Chapitre 2 : La chasse au Troll

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La nuit fut bien plus courte que prévue ! Ou du moins, elle ne s'était pas prolongée autant que nos deux mages l'auraient espéré. Alors qu'ils étaient venus pour se remplir la panse de bonnes boustifailles et repartir en douce, une bien mauvaise surprise allait leur remettre les idées en place. Les heures défilaient, les rayons du matin se hissaient dans la chambre, et les voilà toujours figés dans leur lit, à patauger dans un sommeil sifflant. Avaient-ils conscience de l'heure qu'il était ? Non, pas des moindres. Et pourtant, l'aube avait déjà pointé le bout de son nez. C'est alors que la porte bondit et le maire déboula dans la pièce sur le pied de guerre, fier d'avoir recruté d'aussi vaillants compagnons !

— Messieurs ! Messieurs ! s'écria-t-il avec un entrain. C'est l'heure ! Levez-vous !

Perceban détonna comme une balle hors de ses songes, son bonnet de nuit encore à moitié avachi sur ses yeux. "Quoi ?! Quoi ?!", fit-il alors qu'il venait à peine de réaliser la panique.

— Il est l'heure de se mettre en route messieurs ! répéta Argerus.

— L'heure de quoi ? quémanda Perceban, l'esprit vagabondant encore dans les effluves de la nuit passée.

— La quête monsieur Perceban ! La quête !

— La quête ? Quelle quête ?

La mousse avait visiblement embrumé ses sens.

— La chasse aux trolls monsieur Perceban !

— Euh oui la chasse au troll... La chasse au troll !? réalisa-t-il soudain, les yeux s'écarquillant en un éclair.

— Oui, c'est l'heure de partir ! Je vous ai laissé bien plus de temps que prévu pour vous reposer. Mais dorénavant, l'heure sonne !

— Ah, euh, oui bien sûr ! marmonna le mage d'un ton déséquilibré.

— Réveillez donc votre acolyte ! répliqua Argerus qui pointa du doigt la carcasse de Thomast encore ronflante dans le lit d'à côté. Je serais en bas à vous attendre ! Nous partirons dès que vous serez prêt ! Ne traînez pas, ce sera une fantastique journée !

Le maire quitta la pièce avec le même entrain qu'il avait eu lors de son entrée, laissant derrière lui la morne mine de Perceban. A chaque nouveau pas du maire dans l'escalier, il sentit sa tête enfler de plus bel. Le plan de fuite était visiblement tombé à l'eau... Ou plutôt... Tombé dans la bière ! A peines les deux mages eurent-ils le temps de réaliser la panade dans laquelle ils se trouvaient que les voilà déjà sur le chemin hors du village, Argerus à leurs côtés, chantant cœur sonnant des hymnes lointains.

"Oh ! Amis de la forêt !
Tournez et virez !
Buvez entre compagnons !
Entre nous amis de la forêt !
Scandez, chantez, buvez !
Nous voici amis de la forêt !"

Les mages n'eurent d'autre choix que de supporter la cacophonie discordante de ces chants tout le long du chemin. Lorsqu'il ne chantait pas, il scandait à tout-va les louanges de ce pays. Il enjambait le terrain de ses grosses bottes, suivit de près par les deux mages qui traînaient la patte. Ils balbutiaient, erraient d'un pas maladroit. La mousse s'agitait encore dans leurs estomacs et ils subissaient les relents de vertiges des lendemains de festivités. Les voilà dans un bien piètre état pour un affrontement rocambolesque.

L'auréole du matin continuait son ascension parmi les cieux. Sa lumière clairsemée balayait le crin de l'herbe fraîche, contournait l'écorce brune des arbres et chatouillait l'oreille des voyageurs. Citrouilles et potirons géants, aux belles peaux luisantes et orangées, chapeauté d'amples couronnes végétales, jonchaient les cultures aux abords des clôtures. Ils étaient bien gras et bien boursouflés, leur taille atteignant celle d'une maisonnette de campagne. Puisqu'on était en saison de les cueillir, on voyait certain paysans tenter de les sortir du sol. L'un d'eux grimpa au sommet et tenta d'en faire basculer un. Par mégarde, il fit un faux pas et manqua de se faire rouler dessus ! Son légume continua sa route, dévalant la pente et s'égarant quelque part on ne sais-où.

Sur la route, on croisait aussi des charrues remplis de bonnes pitances du domaine, gambadant dans un sens puis dans l'autre. Plus loin, passé le chemin de terre, on atterrit sous une haute arche de ronces. Celle-ci accueillait les visiteurs un peu trop imprudents et lorsque l'ombre glacée de leurs épines fut traversée, on atterrit sur les sentiers nébuleux de la forêt. Ici, la lueur matinale s'était étouffée et avait laissé place à une pénombre lancinante. De vagues reflets opaques traversaient l'épais feuillage des arbres et dansaient sur le sol. S'était aussi infiltré une large bande de lumière argentée qui guidait le pas des voyageurs à travers les épaisses racines. Elle les emporta jusqu'à l'antre d'une vaste et verdoyante clairière. Au centre de celle-ci, on aperçut un tas de charpentes et de toiles mortes à moitié affaissées les unes sur les autres. Une fumée noire s'en dégageait et empestait le poisson pourri. Trois immenses silhouettes, de loin semblant être de pierre, étaient assises autour du feu. Elles ne bougeaient presque pas, et pourtant, elle suscitèrent la terreur d'Argerus.

Les Fables Du Mana : Le cœur de la magieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant