Chapitre 39 : Cœur de métal hurlant

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La tour semblait sombrer dans l'agonie, se craquelant et se fracturant de part en part, et commença à gindre le fracas de sa ferraille dans l'écho grisâtre du passage de fer ! Mais quel événement aurait pu provoquer une pareille catastrophe ? Et comment cela a-t-il pu autant endommager les fondations de la tour ? Cela se produit plus tôt, lorsque la compagnie fut séparée entre les passerelles...

En effet, à l'origine de cet incident, à l'autre bout de la tour, une phalange de stigmatisés se ruait dans l'un des corridors, cherchant à rejoindre la bataille qui faisait trembler mur et sol de tout le bâtiment. On entendait, dans les tréfonds froids, résonner la trombe cacophonique de leurs amures qui rebondissaient à chacune de leurs enjambées, mais également la fureur qui envenimait leurs pas. Ils franchirent l'une des grandes passerelles suspendues, surpassant les autres passages des profondeurs de la tour où le reste de leurs semblables grouillaient dans toute cette immense fourmilière infernale. Arrivé au passage qui traversait la machinerie folle en acier, ils s'introduisirent dans la noirceur du couloir suivant, s'avançant d'un preste pas avant de réaliser qu'au fin fond s'était perdue une silhouette esseulée, se débattant avec l'obscurité environnante. La horde d'ennemis s'arrêta, admirant la lutte confuse de cette âme en perdition. Sa tête tourna et vira dans un sens puis dans un autre, comme un chien errant reniflant la pluie et, dans le chaos de ses gestes, sa mine déboussolée fini par tomber sur la horde d'ennemis, semblant aussi stupéfaite que lui. Il se stoppa net, constatant que toute une assemblée muette d'elfe noir le scrutait. Sa posture se figea dans le noir, ses yeux s'écarquillèrent et sa bouche tomba pantoise. On aurait presque dit un enfant pris sur le fait ! L'elfe noir qui menait la troupe s'avança, jeta son regard au loin et reconnu un humain, dépourvu de ses camarades et de combativité. Le soldat eut un sourire mesquin et ses yeux crièrent d'appétit. Il dégaina son épée et chargea en avant, immédiatement suivit par le reste de sa troupe impatient de déguster la chaire de cette proie abandonnée ! Le capitaine Rakhan (car il s'agissait bel et bien de cette andouille !), laissa s'échapper un petit cri effrayé avant de prendre les jambes à son cou !

Il fila comme une flèche à travers tout le couloir, pourchassé par l'écho métallique qui hurlait à ses trousses ! Tantôt on entendait les cris de Rakhan se déverser par-dessus ses épaules, tantôt on entendait les rugissements affamées des vampires noirs prendre le dessus. Le capitaine n'avait qu'une crainte, c'est que le bruit de ses cris ne finisse par se faire dévorer par celui de ses prédateurs et alors, avant qu'ils ne le rattrapent, il gonfla sa poitrine et envoya toute son énergie dans ses jambes pour qu'elles le portent le plus loin le plus vite possible !

Il dévala une allée de marches, sentant son cœur rebondir dans sa cage thoracique et sauta par-dessus les quelques dernières, manquant de se tordre la cheville à sa réception. Il jeta un vif regard derrière lui et constata que la troupe enragée gagnait du terrain ! Comment faisaient-ils ?! Ils étaient en armure et en blindés d'armes ! Et ils étaient quand même plus rapides que lui ?! Avaient-ils une force surhumaine ou bien était-ce là pour le capitaine un premier signe de vieillesse ? Qu'importe, il se secoua de plus bel afin de les semer et plus que jamais il envoya une énergie folle dans ses jambes ! Mais son exténuant périple prit subitement fin, car alors qu'il fonçait sans même prendre garde à sa direction, il finit par confondre une impasse de brique noire avec les ténèbres du couloir. Il y avait bien une porte qui gisait à sa gauche, mais elle était scellée. Il remua la poignée de toutes ses forces, mais rien n'y fait... Il s'écrasa alors de tout son poids pour l'enfoncer, mais là encore, la porte ne fléchit pas, et Rakhan se déboîta l'épaule dans la manœuvre

Il se figea, essoufflé et piéger, son regard implorant la troupe d'elfes noirs de l'épargner. Mais ils n'en eurent que faire, ils s'avancèrent lentement, terminant leur cavale avec une petite marche désinvolte. Le voilà à la merci des démons sanguinaires, eux qui étaient déjà prêts à se délecter. Il se rétracta, se morfondant contre les murs et déglutit en espérant que la douleur n'allait pas s'éterniser. Son visage se crispa dans une houleuse grimace, ses yeux se scellèrent sous leurs paupières et il serra très fort des dents. Crocs à la main, la meute de loup s'apprêta à bondir, mais leur élan fut stoppé in extrémis lorsqu'une voix derrière eux retentit, les interpellant. Ils se retournèrent, intrigués, et à peine eurent-ils eux le temps de réagir, qu'une vague de lumière aveuglante jaillit et leur brûla la rétine ! Ils se contorsionnèrent de douleur, attrapant leurs orbites entres leurs doigts et tentant de déchiffrer les formes invisibles qui tourbillonnaient autour d'eux. Mais ils ne persévèrent rien, si ce n'était cette immense masse noire hirsute qui bondit dans leur rang.

La mort aveugle les attrapa alors un à un, soit emporté par des giclées abruptes et lourdes, tournoyant dans le vide comme un fléau, soit déchiqueté par les flammes d'un dragon d'acier, hurlant de fureur dans tout le couloir. Au travers de tout ce chaos étouffé par la cécité, se faufilait une lame, vive et affûtée, transperçant les quelques derniers survivants. Ne restait de ce carnage qu'une marre de cadavres empourprés par la corruption qui suintait de leurs veines apparentes.

Les Fables Du Mana : Le cœur de la magieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant