Chapitre 9 : La marque noire

32 2 0
                                    

Les moulins de Bartrinket étaient un lieu fort reculé des autres contrées d'Escalon, ils se trouvaient tout au nord de la région et culminaient entre les sommets des hautes crêtes à l'Ouest des terres neuves. On avait nommé ce tertre ainsi dû aux fantastiques jardins de moulins qui fleurissaient le long des étendues de ces collines verdoyantes se chevauchant sans cesse les unes derrière les autres. Lorsque l'on se dressait à l'orée solaire de la plaine, on pouvait d'ors et déjà admirer les grandes ailes des colosses de pierres vagabondaient paisiblement dans l'air pure de la ferveur des montagnes, berçant le vent et l'embarquant dans une mélodieuse sérénade sifflante. La culture agricole très forte, et en particulier du grain et des céréales, avait permis l'émergence, en abondance, de tous ces ateliers de récolte et de confection. Feodor Bartrinket était l'heureux propriétaire de cette joyeuse parcelle de terre qui s'élançait d'un bout à l'autre en amont des collines qui surplombaient la côte maritime.

C'était un fervent artisan, seigneurs des champs et prince de la terre fertile, connu et reconnu pour sa force physique, semblable, paraîtrait-il, à celle d'un bœuf, mais également de sa force de caractère, là encore comparable à celle d'un bœuf... C'était un homme pieux, travailleur et avec un penchant certains pour le bon malt macéré et les chopines taillées dans un bon bois orné. Il gardait d'ailleurs un lopin de plantation tenu égaré en dehors des regards trop envahissant, où il cultivait sa propre céréale à des fins personnelles. C'était sans doute la parcelle qu'il adorait le plus et il la chérissait de tout son cœur chaque matin en s'y réfugiant et en s'imaginant d'avance déguster le bon goût qu'aura sa mousse l'hiver arrivant. Mais Feodor Bartrinket n'était pas seulement un paysan émérite et remarquable qui avait fait fortune dans la céréale et bâtit, de ses mains de pierre, la cohorte de moulins qui dominaient les collines de la région. Il était également un digne chef de famille. Il avait épousé Mériditha, qui prit son nom à la suite de leur mariage, devenant ainsi Mériditha Bartrinket. Et ils eurent ensemble trois garçons et cinq filles, ou bien peut-être était-ce l'inverse ? Oui, cela devait être l'inverse, car il se pourrait que l'on pût apercevoir au loin, si on laissait notre regard s'égarer entre les collines, de nombreux lourds bras d'homme s'adonner avec ardeur à la tâche que leur avait attribuée leur père.

Empaqueté dans une épaisse toile grise, le grain raffiné se faisait passer de bras en bras entre les garçons de la maison Bartinket jusqu'à être déposé dans une lourde charrette tirée par des chevaux et c'étaient les filles Bartrinket qui étaient chargées de livrer la cargaison au village se trouvant non loin en bas de la colline. C'était le rituel de chaque lever de soleil où l'on voyait dépasser des hauteurs des collines, des carrioles boursouflées de sac serpenter d'un bout à l'autre des chemins pour parvenir jusqu'à la combe. Car oui, l'agriculture aux moulins de Bartrinket, c'était avant tout une affaire de famille. 

Le village en question, qui recevait la cargaison en provenance des moulins, était le village de Trom-val. Un charmant bourg qui était parvenu à se faufiler entre les divers amoncellements de verdoyantes dunes qui caractérisaient si bien la région. On pouvait d'ailleurs remarquer les jeunes et jaunes toits des bâtisses s'émanciper de la courbe verdâtre qui auréolait l'horizon ainsi que des fumées blanches s'échapper des cheminées qui les chapeauter, s'étendant par-dessus les collines. En se rapprochant davantage, on voyait émerger un agglomérat de petits chemins qui ruisselaient entre les bâtiments et se rejoignaient en une place centrale couronné d'une blanche fontaine à l'eau clair et cristalline. Des champs de sillons parsemaient les abords du village et de braves paysans les arpentaient en compagnies de leurs bêtes qui se trémoussaient d'un bout à l'autre des cultures.

La population était à l'image de cette partit-là du monde, paisible et prospère. Suffisamment éloignée des royaumes conquis afin de profiter de la jouissance d'une vie sans encombre, mais tout de même assez proche afin de rester dans les cloisons protégées de la région d'Andoras. Trom-val jouissait donc de leurs accords avec la maison Bartrinket, mais également de la pêche ! En effet, la houleuse crête de granite blanc, qui oscillait en dents de scie sur la lisière des lieux, culminait au sommet d'un long rivage donnant sur la mer. C'est ainsi, que du haut des collines desquelles culminaient les moulins, on observait les petites silhouettes des marins du village s'élancer avec leurs montures de planches et de voiles, à travers le vent turbulent et les vagues battantes. Chevauchant leurs embarcations, ils partaient en expéditions pendant plusieurs nuits et ne revenaient parfois que des semaines plus tard, leurs filets remplis à ras bord ! Le baron de la céréale s'adonnait parfois aussi à cette activité. Il aimait partir pécher avec ses enfants, et même s'ils n'attrapaient pas autant que les marins du village, cela l'apaisait. Et il pouvait déguster, le soir même, le fruit de leur expédition en bateau, entouré de sa famille. Un matin, il remarqua que le vent commençait à être plus féroce. Indomptable, il voltigeait avec fureur et sifflait avec terreur. Alors on s'empressa de faire rentrer tous les sacs de grains avant qu'ils ne se fassent emporter par une tempête grondante. Mais fort heureusement, cela n'eut pas lieu. Bien que durant cette courte période, le temps était plus capricieux et le ciel plus terne, les récoltes et le labeur poursuivaient leur train de vie dans les collines.

Les Fables Du Mana : Le cœur de la magieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant