— Je peux passer ?— Attends, là, maintenant ?
— Ouais. J'aimerais bien répéter avec toi. Y'a un problème ?
Sarah avait entendu du bruit de l'autre côté de l'appareil, des éclats de voix qu'elle ne pouvait pas distinguer les uns des autres, et Mya avait remis l'appareil près de son oreille.
— Ouais, ouais, viens. Juste, Théo est à la maison. Du coup, euh... (L'interlocutrice de Sarah avait paru hésiter à dire quelque chose, mais elle s'était ressaisie.) Ouais, nan, oublie. Dépêche toi.
Elle avait raccroché immédiatement après et Sarah était restée sur le cul. Elle avait saisit son bigbag à cymbale, son étui de transport pour caisse claire, ses sacoches pour baguette et son sac de transport pour double pédale (elle y avait mis tout l'argent de son anniversaire et son Noël), les avait passé sur son dos et ses épaules, s'était emparée de son casque audio et s'était dirigée vers la porte.
— Mais Maman, pourquoi je peux pas inviter Julie ?
— Tu sais très bien que Papa n'est pas de bonne humeur.
Sarah avait levé les yeux au ciel. C'était toujours comme ça, chez elle. Quand ce n'était pas son père, c'était ses sœurs.
— Je sors, avait-elle annoncé de but en blanc, espérant que ça passe crème.
— Hop, hop, hop, l'avait interpellé sa mère, détournant momentanément son attention de sa petite soeur, Noémie. Tu vas où ?
Sa mère leur avait donné les prénoms les plus français du monde, pour donner l'impression qu'ils étaient les enfants les plus français du monde. Wanda Elsher pouvait se voiler la face autant qu'elle le voulait, sa peau et celle de ses enfants dirait toujours la même chose au monde : ils n'avaient pas leur place dans ce pays.
— Chez Mya. On va répéter pour le groupe.
— Tiens, vous êtes amies à nouveau ?
— Ouais. Y'a un problème ?
La mère de Sarah n'osait presque jamais répliquer. Elle se laissait écraser par son mari et ses enfants. Pourtant, elle avait répondu :
— Fais juste attention à toi, Sarah. Je ne veux plus jamais te voir dans l'état dans lequel tu étais quand elle t'as laissée, il y a deux ans.
— Elle a changé.
Wanda Elsher lui avait adressé un sourire contrit, rempli de tout ce qu'elle ne savait pas dire.
— Fais juste attention, OK ?
Sarah s'était pincée les lèvres en hochant la tête.
— وروسته به ګورو، مور.
— Je t'ai déjà dit de ne pas...
L'adolescente avait passé le pas de la porte sans écouter la fin, ravie de mettre sa mère en colère, elle qui se laissait toujours marcher dessus.
***
Mya n'avait jamais connu son père. Celui-ci était parti comme une fleur quand sa mère lui avait appris qu'elle était enceinte. Mya avait toujours trouvé ça injuste, blâmer quelqu'un d'autre pour une erreur qu'on avait soi-même faite. S'il ne voulait pas d'elle, il n'avait qu'à mettre une capote. Pourquoi serait-ce aux femmes de toujours devoir prendre la pilule ? Mya était déjà féministe au collège.
Sarah, elle, pouvait comprendre. Elle était pareil : elle faisait des erreurs, puis prenait peur et les rejetait sur quelqu'un d'autre. C'était un autre des symptômes du trouble oppositionnel avec provocation. La jeune fille travaillait sur ça depuis des années, mais ce n'était pas le genre de chose qui prenait deux mois a partir avec des thérapies, surtout quand on s'était faite diagnostiquer si tard. Les parents de Sarah pensait qu'elle n'était qu'une enfant capricieuse, alors les dégâts étaient déjà faits quand ils se sont rendus compte que quelque chose clochait.
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Âmes Perdues | TERMINÉE
Teen FictionSARAH ELSHER prend des médicaments, ses proches le voient. Mais ça ne peut pas être si grave, pas vrai ? MYA ANDERSON est la fille la plus populaire du lycée. Les gens l'adorent ou la détestent. Dommage qu'ils ne sachent pas ce qu'il se passe une f...