18. Sarah Elsher

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— Bon, here we go again, avait soupiré Mya.
— On reste dans la même veine que les fois précédentes ? Avait proposé Cléo.

Sarah était assise sur le bureau de la documentaliste, comme à son habitude, Anastasia lisait un livre dans un coin du CDI, Sasha et Zed étaient assis contre un mur, Cléo était assise sur la chaise du bureau et Mya était en tailleur par terre. Selon les dires de Cléo, Diane se trouvait quelque part sur le bureau, elle aussi.

Pendant que les autres parlaient ensemble, Sarah n'avait pas pu empêcher son regard de dériver vers sa petite amie. Petite amie qui n'était sans doute plus sa petite amie, maintenant qu'elle y pensait. Dommage, ça n'avait même pas tenu un mois. Pour neuf ans à être amoureuse d'elle sans que ça soit réciproque, l'adolescente trouvait que c'était vachement inégal.

Elle s'en voulait pour l'autre soir, évidemment. Elle avait conscience qu'elle n'aurait pas dû se battre avec le frère de Mya. Mais en même temps, elle ne le regrettait pas. Elle savait que tout avait été amplifié par le manque de ses médicaments — dont elle avait dû se résoudre à parler à ses parents après le fiasco d'après la représentation — mais elle était aussi intimement convaincue d'avoir agit dans le but de protéger la fille qu'elle aimait le plus au monde. Et ça, elle le referait n'importe quand.

Parfois, Sarah se disait qu'elle aimait Mya bien plus que celle-ci ne l'aimait. Elle avait des raisons de le penser : elle l'aimait depuis neuf ans, ce qui était déjà sacrément énorme. Ensuite, Mya l'avait harcelée. Ce n'était peut-être pas aussi fort qu'elle ne l'avait fait avec certaines autres personnes, certes, elle s'était aussi excusée et Sarah l'avait pardonnée, certe, mais ça restait à prendre en compte. En plus de ça, Mya passait sa vie à jouer au chaud et au froid avec elle, ce qui commençait à lui taper sur les nerfs.

— Sarah, t'en penses quoi ?

Elle avait sursauté et s'était mordue l'intérieur de la bouche.

— Euh, cool...?

Elle n'avait rien écouté à la discussion. Cléo avait soupiré.

— On parlait de... Ferme-là, Diane. On parlait de chanter The enemy par Andrew Belle. Tu connais ?
— Ouais, de nom. Faudrait que j'aille chercher les partitions sur internet, mais ça me dérange pas.
— Nickel alors ! On a notre musique. On va gérer cette fois, les Ames Perdues. Je vous le jure.
— On gérera si Sarah ne décide pas de foutre une droite à mon frère, avait rétorqué Mya sèchement.

L'atmosphère de la pièce s'était refroidie instantanément.

— Eh bien, la prochaine fois tu te débrouillera pour de un, ne pas laisser assez d'indices à ton frère pour qu'il trouve à quel concours on participe et où c'est et deux, de ne pas laisser tes clébards me voler mes médicaments, merci, avait répliqué la concernée.
— Je suis pas responsable de tes affaires ni de ce que t'en fais.
— Mais tes chiens le sont, alors t'as intérêt à faire en sorte que je les récupère.
— T'aurais dû te débrouiller pour ne pas les laisser trouver tes médocs. Et t'as pas de preuves que ça soit mes potes.

Mya lui avait sourit tellement froidement qu'elle s'était sentie frissonner, et pas dans le sens agréable du mot. Elle avait toujours le dernier mot.

— Eh, calmez vous, avait soupiré Cléo.

C'était elle, la calme du groupe. En fait, elle était calme, mais pas de la même manière que Zed ou Sasha. Zed était calme comme le grand frère qui s'occupe de ses petits frères et sœurs, qui vérifie qu'ils aient assez mangé, etc. Ça devait être l'effet fils unique. En tout cas, c'est ce que Sarah avait toujours pensé. Sasha, lui, avait le calme de quelqu'un qui est trop introverti pour ne pas l'être. Il est calme, mais ce n'est ni volontaire, ni voulu, ni apprécié. Il préférerait sans doute l'être moins et pouvoir s'imposer. Cléo, elle, avait le calme de quelqu'un qu'il faut beaucoup pour énerver. Elle laisse passer beaucoup de choses, mais quand la ligne est dépassée, elle n'hésitera jamais à vous remettre à votre place. C'est ce qui faisait d'elle la force tranquille du groupe. Elle n'avait pas besoin de ses poings pour se faire respecter, elle n'avait pas besoin de s'énerver. Cléo demandait qu'on se taise, on se taisait. Sarah ne savait pas si elle admirait ou jalousait cette capacité, elle qui ne savait régler ses problèmes qu'à l'aide de ses poings.

Âmes Perdues | TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant