- Calie ? ... Calie ? Réveille-toi !
- Alice, j'essaye de dormir..., bougonna-t-elle.
Mais Alice n'arrêtait pas de la secouer. Calie esquissa un vague geste vers ce qu'elle estimait être la tête de sa sœur :
- Nous sommes dans la chambre, en sécurité... Tu peux te rendormir. Allonge-toi à côté de moi si tu as peur...
Elle écarta légèrement les couvertures pour permettre à Alice de venir se blottir dessous. Le silence lui répondit, et comme sa sœur ne venait pas, elle les rabattit aussitôt en sentant un petit courant d'air glacé caresser son bras. Mais les secousses reprirent de plus belle, faisant même grincer le sommier. Calie se redressa aussitôt, bien réveillée cette fois. Elle ouvrit péniblement des yeux encore bouffis de sommeil, mais s'étonna lorsqu'elle ne vit personne à côté du lit. La lumière nocturne filtrait à travers les persiennes, baignant la pièce d'une étrange lueur bleu sombre. Le feu dans la cheminée venait de mourir et la fumée s'en échappait en froides volutes, répandant une légère odeur de cendres. La porte était toujours bien fermée comme l'avait exigé Alice, et la clef se trouvait sur la serrure. Le lit d'Alice était vide.
Le cœur de Calie se serra. Alice était encore terrorisée au moment de dormir, elle n'aurait tout simplement pas pu mettre un orteil dehors, sinon contrainte et forcée. Et Calie lui avait promis de ne pas la laisser seule. Son inquiétude monta en flèche alors qu'elle imaginait toutes les explications possibles, de la crise de somnambulisme au mystérieux kidnappeur.
Elle se leva et marcha pieds nus jusqu'à la porte, frissonnant dans sa chemise de nuit. Le silence et l'obscurité l'oppressaient soudain. Elle tendit la main vers la porte, mais celle-ci s'entrebâilla avant même qu'elle n'ait pu effleurer la poignée. Calie étouffa un cri de surprise et chuchota le nom d'Alice. Aussitôt, elle regretta, car son chuchotis résonna de façon effrayante. La porte bougea un peu plus.
« Alice, si c'est une blague, elle n'est pas drôle ! »
Pas de réponse, bien entendu. Calie mit son visage dans l'espace entre la porte et le battant, sans oser l'ouvrir davantage. D'abord elle ne vit rien, puis soudain, un œil vint se coller juste devant le sien. Affolée, elle claqua la porte aussi sec, juste avant qu'un grand coup ne vienne faire trembler le chambranle. Calie recula, mais en proie à la panique, elle se prit les pieds dans le tapis et tomba à la renverse. La porte s'ouvrit lentement devant elle, en grand cette fois, avec un horrible craquement. Le couloir était si sombre qu'on aurait dit un vide abyssal. Calie n'osait pas bouger.
Soudain, une force invisible vint la saisir par les chevilles et la tira vers le couloir. Calie hurla à s'en rompre les cordes vocales, se débattit, griffa l'air. Elle tenta de s'accrocher aux lattes du parquet, mais ne réussit qu'à avoir les ongles en sang. Comme ramenée par un gigantesque ressort, elle fut littéralement propulsée à travers la chambre et lancée violemment contre le mur du couloir, avant de retomber avec un gémissement de douleur. La porte de la chambre se referma avec un claquement impitoyable, la laissant dans un puits de ténèbres. Mue par une terreur sans nom, Calie se rua sur le battant qui ne bougea pas d'un pouce. Ironiquement, elle crut même entendre un discret tour de clé. Elle secoua la poignée dans tous les sens, hurla à l'aide et cogna contre le bois jusqu'à en avoir mal aux poings.
Il lui fallut un bon moment avant que ses yeux ne s'adaptent à l'obscurité. En fait, il ne faisait pas noir ici, il y avait la même lueur ambiante bleu sombre que dans la chambre. Elle s'en rendit compte, en même temps qu'elle constata que la porte devant elle avait disparu. Elle ne faisait que cogner le mur. Calie écarquilla les yeux comme si cela allait faire revenir la porte. En regardant autour d'elle, elle put voir que ce n'était pas elle qui avait changé de place : la porte n'était bel et bien plus là.
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In Memoriam
HorrorFrance, milieu du XIXe siècle. Elles avaient déjà lu des dizaines d'histoires de fantômes, persuadées d'être en sécurité, inséparables. Elles ne s'attendaient certainement pas à en vivre une. Lorsque la famille Corvey emménage dans un vieux manoir...