Chapitre XXI : De l'autre côté de la mort

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- Ce n'est pas possible... bafouilla Calie.


- Je suis sûre que c'est encore un coup de ces sales petits vicelards de fantômes ! explosa Alice en se ruant vers l'escalier.

- Alice, attends ! s'exclama sa sœur en courant derrière elle.

Elle lui prit le bras et la força à se retourner. Au même moment, une des portes métalliques s'ouvrit d'un seul coup, dans un fracas à réveiller les morts. Calie fut aussitôt tirée à l'intérieur comme une poupée de chiffon, et la porte se referma sur elle. Alice ne comprit pas tout de suite et resta figée, la bouche béante. Sa sœur venait de se faire littéralement escamoter sous ses yeux en moins d'une demie-seconde. Puis, elle reprit ses esprits et se précipita sur la porte.

A l'intérieur, Calie se releva en s'appuyant tant bien que mal sur ce qui restait des capitons infestés de moisissure. Elle était plongée dans le noir, incapable de décider si elle entendait réellement une respiration à côté d'elle ou si le choc lui faisait imaginer des choses. A tâtons, et surtout en entendant Alice tambouriner, elle se dirigea vers la porte. Elle chercha un verrou ou un loquet, avant de se rappeler que c'était inutile : c'était une cellule d'asile, pourquoi aurait-on pris la peine de laisser le patient s'échapper ?

Mais Alice avait beau s'escrimer sur le loquet de son côté, rien à faire. Si elle n'avait pas vu la porte s'ouvrir et se refermer, elle aurait pu jurer que le temps et la rouille avaient soudé le battant au chambranle. Faute de mieux, elle réussit à ouvrir la petite lucarne permettant de voir à l'intérieur de la cellule. Les deux jumelles collèrent aussitôt leur visage à l'ouverture, qui laissait à peine la place pour les yeux et le nez.

- J'ai l'impression d'étouffer là-dedans ! bafouilla Calie. Sors-moi de là !

- J'essaie, mais le verrou est complètement bloqué, je n'arrive pas à le faire bouger d'un pouce ! gémit Alice.

- Merveilleux... Je suppose que Gabriel est trop loin maintenant.

- Il ne nous a ni vues, ni entendues, je pense que nous pouvons l'oublier pour l'instant. Et de toute façon, même si je pouvais lui parler, il est trop loin pour que je le rattrape.

- Ne me laisse pas ici, implora Calie. Je suis persuadée que les murs se rapprochent, ça me rappelle le couloir, je ne veux pas rester ici toute seule !

Sa voix commençait à partir dans les aigus. Le souvenir de sa toute première nuit au manoir, de la terreur qu'elle avait ressentie, tout remontait à travers sa mémoire comme un boulet de canon. Alice sentait qu'elle allait paniquer elle aussi, mais elle affermit sa voix autant qu'elle le pouvait.

- Jamais je ne te laisserai ici. Essaie de te calmer, nous allons trouver un moyen de te faire sortir.

Calie acquiesça et respira un grand coup. Sa nuque se hérissait comme si quelqu'un se tenait juste derrière elle. Pourtant, en se retournant pour voir sa cellule grâce au peu de lumière qui filtrait par la lucarne, elle ne voyait rien, hormis la décrépitude de sa prison.

- La porte est plus fragile, vu la rouille qu'il y a dessus, dit-elle en essayant de juguler les trémolos de sa voix. Je vais cogner dessus autant que je peux, et en même temps, tu pourrais peut-être trouver quelque chose pour faire levier sur le loquet ?

- Une seconde ! J'ai ce qu'il faut ! répondit Alice en farfouillant dans les débris.

Calie lorgna à travers la lucarne, et vit sa sœur tenir plusieurs bouts de barreaux métalliques brisés. La rouille lui maculait les paumes comme une paire de gants couleur cuivre. Alice éprouva leur solidité l'un après l'autre, jusqu'à trouver le moins abîmé. Elles échangèrent un regard de connivence et commencèrent le travail. Calie frappait de toutes ses forces, épaule en avant comme pour défoncer la porte ; de son côté, Alice tirait sur son levier de fortune à s'en déboîter les épaules, prenant même appui avec les pieds sur le mur.

In MemoriamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant