𝐒𝐏𝐄́𝐂𝐈𝐀𝐋𝐄 - 𝐊𝐘𝐋𝐈𝐀𝐍 𝐌𝐁𝐀𝐏𝐏𝐄́

26

APRÈS LES COURS, je suis rentrée en bus. C'était la première fois et franchement, ce n'est pas la meilleure expérience de ma vie. Je suis restée debout en faisant gaffe à toucher le moins de choses possibles. J'ai la flemme d'attraper un virus inconnu qui vient d'un pays inconnu.

  Kylian est parti à Angers pour un match ce qui veut dire que j'ai l'appartement rien que pour moi. J'ai ouvert l'appart' avec les clés avant de fermer la porte une fois rentrée à l'intérieur de celui-ci. J'ai posé mon sac à main dans l'entrée avant de m'allonger sur la canapé. Ça fait du bien d'être rentrée. J'ai pris l'enceinte qui se trouvait sur la cuisine avant de l'allumer et de mettre un peu de musique. J'ai pris un rouleau vide d'essuie-tout en guise de micro.

  — Cause this is thriller, thriller night !

  Je me suis mise à danser sur cette chanson de Michael Jackson que j'écoute depuis que je suis petite.

  Une fois la musique terminée, j'ai attrapé mon iPhone, j'ai deux appels manqués de Lola. Oups, j'ai oublié de la prévenir que je ne pouvais pas l'avoir au téléphone hier soir. J'espère qu'elle ne m'en veux pas pour ça. J'ai appuyé sur son contact avant de lancer un appel audio.

  — Lola ?

  — Enfin, tu daignes répondre à tes appels.

  Alors ça, c'est un accueil de compétition.

  — Je t'ai appelée un millier de fois. Tu fais quoi, bordel ? J'existe plus pour toi ?

  J'ai froncé les sourcils derrière mon téléphone. Elle est déchaînée.

  — De toute façon, depuis que Kylian est là, c'est la même rengaine. Benjamin et moi, on n'existe plus. Il n'y a plus que le copain prodige. On passe tous après lui. Et tu sais quoi, je n'ai plus la patience d'attendre tes appels pendant que tu passes toutes tes journées avec l'autre là. 

  Je croyais qu'elle aimait bien Kylian. Et puis, ce n'est pas une raison pour dire tout ça.

  — T'as changé depuis que tu l'as rencontré et parfois, je me demande si c'est en bien ou en mal.

  C'est comme si on m'avait enfoncé un poignard dans le cœur et qu'on l'avait retiré lentement pour que je souffre un maximum. Peut-être que j'ai fait quelque chose de mal mais je ne pense pas que je mérite d'être traitée ainsi.

— Je peux en placer une ? demandai-je, l'interrompant dans son discours.

  Je l'ai entendu lâcher un gros soupir derrière son cellulaire.

  — Lola, tu devrais savoir que je tiens à toi et que t'as pas de souci à te faire à ce propos. Tu devrais aussi remarquer que j'ai changé de ville et que par conséquent, on ne vit plus à quelques mètres l'une de chez l'autre. Je fais de mon mieux pour réussir à garder contact avec les gens que j'aime mais dis-toi que je dois alterner les cours et tout ce qui va avec, ma vie sentimentale et ma nouvelle vie sociale. C'est sûr que j'ai changé mais je ne mérite pas que ma meilleure amie dise ça à mon sujet. C'est tellement blessant. Comment t'as pu oser penser ça, rien qu'une seule seconde ? demandai-je en m'asseyant sur le canapé pour me remettre de mes émotions.

  Inspire. Expire. Inhala, exhala.

— Je l'ai pensé parce que c'est vrai.

Je n'ai rien répondu. J'ai fixé mon reflet dans la télé en face de moi. Je me sens nulle d'être la personne que je suis devenue. Mais j'aime la vie que je mène à Paris et je ne veux pas retourner dans ma petite ville monégasque. Je veux profiter de ma vie en France, c'est là qu'elle est maintenant. Et c'est là que je veux être. Ça peut paraître égoïste vis-à-vis de Lola mais je ne pourrais pas toujours faire ma vie en fonction des autres. Et c'est ce que je lui ai dis à ce moment précis, contre toute attente.