Deuil d'une euphorie -1-

Chapitre -11- Cadenasser

« L'inconnu est le point de départ de toute investigation »

Cadenasser
    Le week-end passa si vite que je n'eus même pas le temps d'en profiter. À vrai dire, beaucoup de choses m'obsédaient ces temps-ci.
Depuis ma conversation avec cette mystérieuse femme, les mêmes sujets tournaient en boucle dans ma tête. Je me demandais si Mila et moi avions nous aussi été vaccinés avec le vaccin trafiqué, j'avais peur pour nos vies à tous les deux.
Je dormais aussi très mal avec tous les cauchemars et les nuits blanches que je faisais.

    Maintenant que j'étais au courant de cette possibilité, je ne pouvais plus revenir en arrière ou faire comme si de rien était en nous laissant crever sans n'avoir rien tenté. D'autant plus que je le devais à Mila, elle méritait un avenir où elle pourrait être libre de ses choix.
Elle était la personne la plus courageuse que je connaisse, j'avais l'obligation de la protéger.

    Mais pour l'instant il fallait que je continue de faire comme si de rien n'était. S'ils découvraient toutes les choses que je savais, je pourrais moi aussi disparaître comme Alain. Ma vie était en jeu.

    J'ouvris comme à mon habitude la porte du laboratoire avec mon déclinâge d'identité quotidien mais au lieu de trouver Anton plongé dans son travail, il y avait une femme postée sur l'un des bureaux. Elle avait des cheveux blonds longs bouclés attachés en queue-de-cheval haute, ses yeux bruns étaient dissimulés sous ses lunettes rondes dorées. Elle tenait entre ses mains une pile de paperasses.

    Visiblement, elle ne m'entendit pas arriver puisqu'elle ne releva pas la tête pour m'accueillir. Je restai un instant figé ne sachant pas quel comportement adopter puis me raclai la gorge de façon peu discrète en espérant rompre ce malaise que j'étais le seul à ressentir. Mais elle ne fit pas plus attention à moi.

Je supposai qu'elle travaillait sur le même projet qu'Anton et moi sinon pourquoi l'avoir mise dans le même laboratoire que nous? Si mon hypothèse était juste, j'étais curieux de savoir sur quel élément elle travaillait, cela pourrait m'aider à obtenir davantage d'informations pour en apprendre plus sur ce que nous construisions.
Je réalisai que personne ne m'avait parlé de son arrivée.

Si je voulais qu'elle me remarque, il fallait que j'entame la conversation, j'espérais qu'elle me le dirait d'elle même au fur et à mesure de la discussions. Mais que pouvais-je bien dire? En attendant, j'avais l'air d'un idiot à attendre devant l'entrée.

-Euh... Bonjour, la saluai-je simplement.

Elle tourna la tête surprise, puis me scruta un instant avant de répondre.

-Bonjour, dit-elle juste avant de se retourner, le visage de nouveau plongé dans ses papiers.

Elle ne semblait pas vraiment disposée à discuter mais il me fallait quand même essayer quitte à l'importuner. Je devais introduire le sujet de moi même sinon elle ne le ferait jamais mais je ne pouvais pas lui lancer ça comme ça. Il fallait y mettre les formes et ponctuer de banalité inutile.

-Je m'appelle Ombre, enchanté, me présentai-je.

Elle ne prit cette fois pas la peine de me regarder, j'avais l'impression de déranger. M'ignorait-elle? Je fus légèrement heurté par son comportement. J'étais sur que je n'obtiendrai rien, quand soudain, elle répondit froidement:

-Shaé.

Je commençai à sentir une ambiance très pesante. Je ne sus pas comment faire la conversation, n'étant moi même pas très sociable.
En signe d'abandon, je retournai à mon exil au fond de la pièce avec pour seul ami mon ordinateur. Je devais trouver un autre moyen de récolter des informations. Soudain, une possibilité me traversa l'esprit, peut-être lui avait-on demandé de ne parler à personne et éviter ainsi de donner des indices sur son travail. Dans ce cas, elle devait avoir un rôle très important dans la conception de la bombe.