Chapitre -31- Captivité

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« Etre captif, là n'est pas la question. Il s'agit de ne pas se rendre. »
- Nazim Hikmet -

Suis-je mort?

Pas encore.

    Le clapotis des gouttes sur le sol résonnait à travers le hublot dans l'étroite cellule, il devait pleuvoir dehors... Bien que le bâtiment semblait neuf, ce dernier était drôlement mal isolé. Je pouvais même sentir le vent glacé me transformer en bonhomme de neige et ce n'était pas qu'une métaphore. Je pouvais à peine bouger tellement j'avais froid. Ça n'avait aucun sens... Comment se faisait-il qu'il y ai du vent dans ma cellule?
Je me sentais mal, difficile de dire ce qui était pire entre mon état physique et mon état mental... J'avais l'impression d'être un naufragé perdu entre deux océans, et maltraité par leurs affreuses vagues. J'avais été sali, souillé par les vapeurs salées de cet air malin et cela faisait maintenant deux semaines que mon bateau tanguait entre la vie et la mort. L'espoir incertain de rejoindre la terre était englouti par la marée montante qui m'arrivait à présent jusqu'au cou.

J'étais à la fois sec et dégoulinant, une sensation difficile à décrire. Les architectes avaient sûrement oublié d'installer une douche, pour mon plus grand malheur. Je préférais croire à cette version que de regarder la vérité en face, je n'étais que leur prisonnier et ils ne se souciaient pas de mon bien être au contraire, plus j'étais faible plus j'avais de chance d'accepter leur proposition sans broncher.

Je fermai les yeux en tentant d'oublier les images d'horreurs de ces derniers jours, je n'avais jamais imaginé vivre un tel cauchemar. Une insatiable peur avait émergé en moi, celle que je sois à nouveau emmené de force par ces animaux ayants revêtit une apparence humaine pour ce qu'ils appelaient « leurs interrogatoires ».
Mais croyez moi ce n'était en rien ce qu'ils voulaient vous faire croire.

Ils ne retenaient pas leur violence et la perspective de vous tuer ne leur procurait aucun remord, au contraire ils donnaient l'impression d'assouvir une étrange vengeance tapis au plus profond de leur être.
Enchaîné à une chaise pendant des heures, les questions fusaient dans tous les sens et vous noyaient lentement dans un flot incontrôlable de pensées mais ça ce n'était que le calme avant la tempête car si vous aviez le malheur de ne pas coopérer ils usaient de la force.

    Sur mon torse ma peau était à vif et de fines traces rougeâtres le lézardait preuve d'une lacération lente et douloureuse. Pendant ces séances, j'avais fini par comprendre ce qu'ils cherchaient à obtenir de moi: ils voulaient connaître mes intentions, si j'étais un espion et globalement tout ce que j'avais découvert. Je faisais mine de ne pas savoir de quoi ils me parlaient mais chaques jours me rapprochait peu à peu de la mort et je craignais de tout leur révéler dans très peu de temps.

    Il ne fallait pas.

    Tout était de ma faute. Mais avais-je ne serait-ce qu'eu le choix?
Je voulais simplement protéger ce qu'il me restait de mes proches.

Je me roulai sur le matelas grisâtre posé au sol qui me servait de lit pour me retrouver face aux murs en pierre qui m'encerclaient en une cage semblant se refermer sur moi même de jour en jour. Je tentai d'oublier la sensation rugueuse du tissu sur ma peau et l'odeur nauséabonde qui s'en dégageait. Je fermai mes paupières devenues douloureuses du sommeil qui était absent ces temps-ci.
Mes pensées s'égarèrent à l'époque où mes parents étaient encore là puis les souvenirs traumatisants de la nuit de leurs morts resurgirent aussitôt à la surface. C'était comme si tous les bons moments en leurs présences étaient recouverts d'une immense tache d'encre indélébile. Pourtant, je ne pourrai jamais oublier ceux de l'attentat qui les plongea tous les deux dans un coma artificiel.

Deuil d'une euphorie -1-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant