Chapitre -32- Un choix décisif -partie 2-

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« En politique le choix est rarement entre le bien et le mal mais entre le pire et le moindre mal. »

Choix décisif
Partie 2

    Elle s'arrêta un instant pour s'asseoir à côté de moi sur le canapé et cette proximité soudaine me mit mal à l'aise. Son étrange aura m'engloutissait d'une telle façon que j'avais la sensation d'être à sa merci. Après une inspiration, ces prunelles marron se posèrent de nouveau sur moi.

-Nous avons décidé de sauver la race humaine avant que notre monde lui-même soit réduit en cendre même si cela signifie sacrifier de nos propres mains l'entièreté de la population qui était déjà destinée à mourir dans un futur proche, expliqua t-elle les yeux humides avec tourment, d'une certaine manière, même si je doute que tu sois du même avis, nous leur offrons une belle mort: douce et rapide car le virus que nous comptons répandre n'est rien comparé à la souffrance qui nous attend si nous continuons à bousiller la planète. La famine, la canicule, la pauvreté, la guerre, la mort progressive de notre entourage et encore bien d'autres choses que nous ne pouvons pas prévoir.

    Je remarquai soudain que ses mains agrippaient ardemment le tissu de sa robe rouge pour former des points de désespoir plus que de colère. C'est alors qu'ils se déplacèrent lentement vers la table en face de nos genoux pour prendre une théière nacrée que je n'avais jusque là pas remarqué. Puis elle servit délicatement le liquide qu'elle contenait dans deux petites tasses aux rebords dorés reposants respectivement sur deux minuscules assiettes.
Lorsqu'elle eut fini, elle me tendit l'une d'entre elle en m'adressant l'un de ses mystérieux sourires dont seule elle avait le secret. J'hésitai pendant quelques secondes puis je me résignai à la saisir avant d'inspecter prudemment la liqueur de couleur rouge qui semblait infusée dans de l'eau.

-Sauver des centaines d'entre nous est une meilleure perspective que la mort de tous, n'est-ce pas? demanda-t-elle certaine de la réponse pendant que je me muerai dans un silence religieux. C'est pour cette raison que nous allons faire exploser des bombes aux quatre coins de la terre pour diffuser le virus pendant que nous embarquerons dans des infrastructures sous l'océan étant donné que l'eau est le seul endroit où le virus ne se répand pas. Nous survivrons grâce à des sortes de capsules de cryogénisation puis lorsque la terre se sera régénérée et que le virus aura disparu nous nous réinstallerons sur la terre et créerons une nouvelle société.

    La jeune femme replaça une mèche rebelle de ses cheveux décolorés derrière sont oreille puis prit naturellement une gorgé du liquide dans sa tasse. Voyant qu'il ne lui arrivait rien, ma curiosité l'emporta sur ma méfiance après tout ils n'avaient pas de raison de me tuer après cette proposition.
Je l'imitai et une vague de goût envahit mon palet. La boisson avait une saveur délicate de plusieurs fruits dont je ne parvins à identifier que la cerise et la fraise. Je profitai de la sensation de chaleur et du goût sucré qu'elle me procurait sur ma langue, cela faisait plusieurs jours maintenant que je ne me nourrissais exclusivement que de potages aux légumes contre mon gré.

-Nous avons sélectionné les survivants de telle sorte que nous soyons en capacité de nous reproduire et subvenir à nos besoins. Les survivants sont composés de scientifiques, de femmes et d'hommes jeunes mais aussi de personnes influentes qui possèdent beaucoup d'argent, énuméra-t-elle comme si elle me récitait une poésie longuement apprise. La sélection peut paraître injuste mais pour financer le projet il est vital d'avoir un soutien financier puissant. C'est peut-être un peu utopique mais nous souhaitons dans le futur recréer une société plus juste et égalitaire en apprenant des erreurs du passé. Jamais nous ne reproduirons le désastre actuel, les sacrifices commis ne seront pas vains loin de là.

-Vous êtes complètement barjo, parvins-je enfin à articuler avec écœurement, à travers ma confusion.

    Subitement elle reposa sa tasse sur la table, son visage se crispa et je crus un instant voir une pointe de colère se dessiner. Elle se tenait droite et se tourna vers moi pour ensuite baisser le regard vers ses mains qui trituraient ses pauvres doigts lisses avant de me confier avec un ton grave:

-Ce n'est pas un hasard si nous te proposons de nous rejoindre, tu es jeune et intelligent. Il nous faut des gens comme toi pour construire un monde meilleur et je ne dis pas cela pour te flatter, je le pense vraiment.

    Je restai de marbre face à son compliment ne sachant pas quoi répondre après tout ce que je venais d'apprendre. J'avais l'impression que mon cerveau allait exploser à force d'y réfléchir, j'étais incapable de décrire la nature du noeud d'émotions qui m'encombrait la gorge. Peur, confusion, colère ou tristesse, je ne savais pas.
Je pensais alors à Mila, qu'adviendrait-il d'elle si j'acceptais? Et comme si la jeune femme avait lu dans mes pensées elle renchérit:

-Si c'est ta sœur qui te retient, sache qu'elle a la possibilité d'être sauvée avec toi. Maintenant tout ne dépend que de ta coopération, nous te laissons le libre arbitre, si c'est ce que tu souhaites tu peux mourir avec les autres mais tu peux aussi choisir de survivre avec nous. Tu comprends bien que nous ne pouvons pas simplement te libérer au risque que tu nous dénonces c'est pourquoi, il est temps de prendre ta décision, décréta-t-elle fermement en frappant de nouveau des mains comme si c'était une habitude chez elle.

    Je me mis à contempler un instant la forêt baignée de pluie et de lumière à travers la fenêtre qui n'était qu'une douce illusion. Moi aussi j'avais envie de voir de nouveau la nature verte s'épanouir sur la terre, les rivières couler le long des flancs des montagnes, les animaux et les insectes grouiller dans la terre, pas les plateaux désertiques, la végétation noircit par les flammes et les déchets recouvrants le sol.
    J'étais persuadé que Mila voudrait, elle aussi, avoir cette chance d'admirer ces paysages ne serait-ce qu'une fois dans sa vie mais je savais aussi que ce ne serait pas possible à notre époque. Elle ne pourrait les voir que dans le monde virtuel dont m'avait parlé la femme assise à mes cotés et qui me proposait de l'emmener directement sur la terre de ses rêves.
Quel choix ferait Mila à ma place?

-Tu as trois jours pour te décider...

À suivre...

En collaboration avec tala91oficiel

Deuil d'une euphorie -1-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant