Chapitre 17 : Dégustation

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Tout le monde nous attendait pour commencer la préparation du fameux Tiramisu.

En l'absence de mon père, c'est Jey-Jey le spécialiste. Il détient un record d'ailleurs à ce sujet et il est en attente du challenger qui pourrait le détrôner. A l'aide d'un fouet, il est capable de monter les blancs en neige en moins d'une minute. Un vieux impressionnant !

Pour la recette, mon père les avait bel et bien habitués à celle revisitée. Ma grand-mère me racontait que lorsqu'ils étaient plus jeunes, mes oncles et mon père détestaient le café. Plutôt que de faire tromper les biscuits dedans, elle décida donc de le faire avec du jus d'orange à la place. Ce qui donna naissance à ce nouveau Tiramisu ! Cette façon de faire semblait même avoir été validée par Gianni qui aurait pu le prendre pour un blasphème. Ce dernier était un aventurier, il nous disait qu'il aimait bien sortir des sentiers battus surtout dans le domaine de la gastronomie. En fait, la dernière fois qu'il y a gouté, il avait adoré.

C'est dans la bonne humeur que notre petit groupe épaulait Jey-Jey dans sa préparation, la tradition voulait aussi que l'on prête main forte à tout le monde en cuisine. Ainsi, toujours avec le sourire, on donnait un coup de main aux chefs Hansa et Tori à préparer ce qui serait notre dîner.

Puis le soir, lors du repas, vint le moment tant attendu de la dégustation de ma madeleine de Proust.

Même Goku avait le droit à ce Tiramisu même si c'était une version un peu différente et sans sucre.

Après si longtemps, il était temps d'y goûter à nouveau.

La première bouchée eut sur moi un effet insolite. Mon corps s'était figé et les larmes montaient... Mon esprit se retrouvait donc submergé sous un océan de souvenirs et de nostalgie. Je me sens tellement faible, comment un simple dessert peut-il me faire autant d'effets au point de presque me faire pleurer à chaudes larmes ! Ce n'est pas digne de moi...

Pourquoi je n'arrive pas à me retenir, pourquoi je commence à avoir le nez pris, pourquoi ma vision se trouble, pourquoi je n'écoute plus ce qu'il se passe autour de moi, pourquoi est-ce que ce Tiramisu me semble si bon ?

Elle fait son apparition : une larme coule sur ma joue et je tente de m'essuyer le visage néanmoins il est trop tard car le robinet n'est visiblement pas si facile à fermer... Pourvu que personne ne le voit !

─ C'est si bon, tu t'es surpassé oncle Jey-Jey ! s'exclama Lisa.

─ Moi ? Je n'ai quasiment rien fait ! grogna le vieux. Moi ? Je n'ai quasiment rien fait ! grogna le vieux.

─ Tito, ne mange pas si vite, tu vas t'étouffer !

Mon état ne me permet pas de reprendre de nouvelles cuillères. Ma gorge est nouée, il faut que je reprenne mes esprits et le meilleur moyen pour ça est de faire un tour à la salle de bain.

Je me regardais dans le miroir, je m'y voyais pathétique, les yeux rouges et un visage si triste. Je n'arrivais pas à m'arrêter de chialer, je décidai d'aller m'enfermer ensuite dans les toilettes car je ne parvenais pas à me calmer et j'avais peur que l'on me surprenne ainsi. Bon sang mais qu'est-ce qu'il se passe ?

Est-ce que ce n'est pas misérable, un homme qui pleure sur la cuvette des toilettes ?

Une demi-heure, c'est le temps qu'il m'aura fallu pour être de retour devant l'assiette responsable de tout ce désastre. Bien du monde avait quitté cette table déjà, il ne restait plus que Miguel, le vieux Jey-Jey et Lisa.

J'avais peur de reprendre de nouvelles bouchées, j'avais peur qu'elle puisse à nouveau me voir faible comme je l'ai été. Je t'en prie Lisa, quitte cette table et laisse-moi apprécier ce dessert seul. Peu importe si les deux autres sont là, toi je ne veux pas que tu le vois. Va jouer au Ping-pong avec le reste s'il te plaît !

Elle regarda en ma direction et s'en alla ensuite sans même m'adresser la moindre parole. Mes prières ont été entendues il faut croire.

Miguel se leva ensuite de table à son tour alors que j'entamais à peine ma quatrième bouchée.

─ Un jour, j'ai pu rencontrer une personne qui comme moi avait perdu la vue lors du long chemin qu'est la vie. Je lui demandais des tas de conseils car depuis mon accident, je ne savais plus dans quelle direction se trouvait la voie : celle permettant d'accéder au bonheur. Il me racontait être heureux de ne pas avoir eu un handicap différent qui aurait affecté un autre de ses sens. Pourquoi m'avait-il sorti une telle chose ? Car selon lui, la vue est le seul sens qui ne nous permet pas de détecter le bonheur directement. Je n'ai jamais voulu le croire car j'étais persuadé qu'il disait ça pour se rassurer. Et maintenant, je commence enfin à le concevoir... Je crois être capable de les voir tous vos sourires car jamais ce Tiramisu n'a eu aussi bon goût !

Désolé Jey-Jey, je ne suis pas dans le meilleur état actuellement, je ne sais pas vraiment ce que je peux te répondre. Ces paroles me font tout de même chaud au cœur, j'ai l'impression que je n'ai pas à cacher ces larmes devant toi. Après tout, je crois que ce ne sont pas des larmes de tristesse non. Même si mes yeux pleurent, mon cœur sourit et contrairement aux autres, c'est peut-être ce que tu vois actuellement !

─ Tu ne t'es pas trompé... Jamais je n'ai vu autant de si beaux sourires.

Il ne manque plus que le tien en réalité.

─ Ne fais pas les mêmes erreurs que moi mon garçon. J'ai consacré trop de temps dans ma vie à tenter de cacher qui j'étais réellement, à douter de moi. J'ai joué le rôle de la personne que je ne suis pas tout en pensant que c'était comme ça que les autres voulaient me voir. Que ce soit avant ou après mon handicap, j'ai gaspillé trop de ces grains du sablier pour rien. Pourtant, je me rends compte que les seules fois où j'étais pleinement épanoui, c'est lorsque je redevenais enfin moi-même. Aussi à de trop nombreuses reprises, je n'ai pas su dire je t'aime. Tout ça par peur que ce ne soit pas réciproque, par peur de ne pas être assez parfait à leurs yeux et de ne pas être à la hauteur. La vie est bien trop courte pour constamment se demander si on répond aux attentes des autres. Alors s'il te plait, ne deviens pas comme moi, ne sois pas rongé par les regrets.

Qu'est-cequ'il lui prend ? Pourquoi il me raconte tout ça ?

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