Tramagic world

Chapitre 1 : La relève

─ Pourquoi me faire lire ce texte maintenant ?

─ Avant, tu n'aurais ni eu la patience, ni le recul de le lire intégralement si je t'avais dit qui l'avait écrit ! J'ai besoin aujourd'hui que tu comprennes un peu mieux qui il était.

─ Les histoires de ce minable m'importent peu, tu devrais le savoir !

─ Ce texte écrit il y a un peu plus de 25 ans était d'une très grande valeur pour ton père ! De sa plume, il rêvait changer le monde et toucher les cœurs. Pour se faire, il n'avait pas hésité à sacrifier son premier emploi à l'époque. Hélas pour lui, jamais il n'y est parvenu. Il s'agit aussi d'une des raisons à son départ.

─ Pas étonnant venant d'un raté... Il n'a même pas su s'engager correctement dans l'éducation de son propre enfant, alors comment pourrait-il soutenir des causes plus profondes ? Il aurait mieux valu qu'il se tienne à la conclusion de sa lettre, la vie aurait été plus simple pour tout le monde...

─ Je sais à quel point tu lui en veux depuis son départ et je le comprends pourtant rien ne me ferait plus plaisir que tu le considères un peu plus. S'il te plaît, fais-le pour moi !

─ Non... Non maman, non... Tu sais, j'ai toujours pensé que s'il était parti vivre à l'autre bout de la planète, c'était pour qu'il soit sûr qu'on ne le rattrape jamais... J'ai longtemps cru que s'il ne me téléphonait plus, c'est peut-être parce que je n'avais pas été assez sage à un moment donné de ma vie. Que peut-être une fois par téléphone, j'avais dépassé les bornes et que son isolement était ma punition. Combien de fois et combien de temps j'ai attendu qu'il ne me rappelle ? Sur la longueur cela fait plus de 10 ans quand j'y pense...

─ Il t'aimait de tout son cœur, tu ne dois jamais douter de ça.

─ C'est tellement facile de prononcer ces mots maintenant... Tu sais bien que plus rien désormais n'effacera le poids de ces années d'absence. Bref, à quoi bon en parler finalement, je t'ai fait une faveur en lisant tout ça alors que j'étais pressé, Miléna m'attend pour la préparation de sa fête et je suis déjà très en retard. Ce n'est pas parce que cette année, il a enfin décidé de se montrer plus actif avec moi, que je vais oublier tout le reste. A mes yeux, il est mort depuis bien longtemps, il ne reste rien.

─ Il ne faut pas dire ça ! Même si elle n'est pas parfaite, il faut tout faire pour préserver sa famille car avec le temps on finit toujours par regretter ces paroles. Avant de te laisser tranquille, laisse-moi te confier une dernière chose à son sujet.

─ Comment fais-tu ? Chaque année, j'y ai droit alors que tu devrais le haïr autant que moi... Je ne le comprends pas. On parle de quelqu'un que l'on n'a plus vu depuis 13 ans, qui ne donne quasiment plus de nouvelles si ce n'est quelques petits messages pour les anniversaires, et encore il en a oublié beaucoup. Pourquoi garder le contact ? Pourquoi es-tu encore autant attachée à lui ? Tu as réussi à trouver le parfait remplaçant et c'est lui que j'aime appeler papa. Vous êtes la seule famille pour laquelle je donnerais tout.

─ Ton père a dû faire des choix. Tu auras encore le temps de l'apprendre mon fils mais dans la vie, on ne contrôle pas tout ce qui nous arrive. Malgré son absence, oui je n'ai jamais cessé d'aimer cette personne !

─ Je vois qu'il te l'a bien rendu, un amour très équilibré pour qu'il aille jusqu'à te remplacer par de vulgaires bêt...

Je n'avais même pas le temps de terminer ma phrase qu'une main s'était armée et posée lourdement sur mon visage. Le son produit n'ayant duré qu'un infime instant, il résonne encore dans l'oreille gauche.

Soudain le silence fût et dura quelques secondes... Enfin jusqu'à ce que je sois capable d'entendre le bruit de goute à goute d'un robinet mal fermé de la cuisine. Jamais elle n'avait levé la main sur moi depuis ma naissance... Je ne compte plus les coups et blessures m'ayant été infligé durant ma courte existence. A tel point que mon cerveau parvient désormais à filtrer la douleur facilement. En revanche, les effets sont bien différents lorsqu'ils proviennent des personnes qui nous sont chères. A 24 ans passés, je n'ai pas encore été programmé à réagir à ce genre d'incident...

Désolé maman, je sais que cela compte pour toi. J'aimerais faire semblant... Néanmoins, c'est plus fort que moi, je ne le contrôle pas. Ma haine pour cet homme est réelle, prétendre que je pourrai un jour l'estimer est pour l'heure inenvisageable.

Elle, qui semblait accablée par ce qu'elle venait de commettre, présenta ses excuses ! Je ne me souviens pas la dernière fois que j'ai eu le droit à cette expression. A l'époque, ce visage avait toujours un lien de près ou de loin avec toi papa.

« Ce n'est pas bien grave » sont les mots sortis de ma bouche afin de briser ce silence angoissant.

De toute façon, le temps me manquait et j'avais besoin d'un moyen de couper court à cette discussion. Avec une claque, nous tenions une solution peu orthodoxe toutefois efficace.

─ Je suis en retard pour ma soirée, je dois aller me préparer !

Ma mère restait bloquée. Sans chercher à comprendre davantage, je me dirigeais alors vers la salle de bain pour mes derniers préparatifs. Les minutes étaient comptées, j'avais promis à Miléna que je l'aiderais à organiser sa soirée d'anniversaire et j'ai déjà trop d'heures de retard.

Tel père, tel fils : je ne suis moi-même pas si doué finalement pour respecter mes engagements...

Voici le genre d'idées qui me traversaient l'esprit pendant que je me brossais les dents.

─ Excuse-moi encore pour tout à l'heure... Tu es sur le départ j'imagine, tu souhaiteras un joyeux anniversaire de ma part à Miléna !

─ C'est noté.

─ Attends... Avant que tu ne partes, il faut vraiment que je te dise quelque chose Mao, tu ne m'as pas laissé finir mais si je te parle de tout ça à propos de ton père, c'est qu'il y a une bonne raison !