3. une nuit - avril 2016

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À ce nouveau groupe d'amis, tu racontes ta relation avec Damiano. Il n'est plus question de dépeindre le bonheur que vous avez partagé. Animée par l'alcool et légèrement aigrie, tu balances tout ce qui n'allait pas entre vous. Car tu as pris conscience d'une chose: ce n'est pas ton départ en Angleterre qui a eu raison de votre histoire. Le mal résidait ailleurs. Avec humour, parce que tu ne veux pas passer pour une pleurnicheuse, tu détailles vos engueulades. Tout le monde rit. Même Daniel Ricciardo.

Tu n'es pas toi-même. Ridiculisée par cet homme que tu as tant aimé et qui ne répond même plus à tes appels, tu te nourris de toute l'attention qui t'est donnée dans ce pub miteux de Milton Keynes. Tu as remarqué les regards de Daniel. Tu as de la peine à croire qu'un pilote de Formule 1 puisse s'intéresser à toi, mais tu connais sa réputation. « Il baise tout ce qui bouge », avait prévenu l'une des filles au bureau. L'Australien est appuyé contre le bar. Nonchalant. Il t'écoute attentivement. Quand il tend la main vers son verre, il arrive que son bras frôle le tient. Parfois, ce sont vos épaules qui s'effleurent.

Petit à petit, le groupe s'est dissout. Il ne reste que Daniel et toi. Tu as fait semblant d'ignorer les clins d'œil des mécanos quand ils quittaient le pub. Il doit être minuit, tu n'en es pas certaine. Tu as trop peur de regarder ton téléphone. Et si Damiano t'avait rappelée? Aurais-tu laissé Daniel en plan pour régler tes comptes avec ton ex? Tu fais de ton mieux pour ne pas y penser.

Tu concentres ton attention sur Daniel. Tu prends conscience de sa beauté. Ou plutôt de son charme. Car Daniel n'est pas un homme comme les autres. Il ne doute jamais de son apparence. Cela se ressent dans tous ses mouvements. Il sait qu'un seul de ses sourires peut faire perdre pied. Et quand son physique ne suffit pas, il use de son humour. Les femmes qu'il choisit de prendre en chasse ont peu de chances de lui résister. Tu ne fais pas exception.

L'idée fait son chemin. Bientôt, tu n'as qu'une envie: passer la nuit avec lui. Tu te demandes ce que ce Daniel Ricciardo est capable de faire dans un lit. Tu rougis légèrement. Il le remarque et se permet de te demander si tu as trop chaud avec un sourire entendu. Il se penche vers toi, sa bouche à quelques centimètres de ton oreille: « Rentrons ». Ce n'est pas un ordre, mais tu te comportes comme si ça l'était. Une partie de toi a honte d'être aussi docile. L'autre jubile.

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Daniel et toi parlez peu. Il n'y a rien à dire. Tu n'attends rien de lui si ce n'est qu'il ne te baise. Vous ne faites pas semblant de faire la conversation pendant qu'il conduit. La tension est palpable dans l'habitacle de sa voiture. Si bien que tu décides d'ouvrir la fenêtre. Il ne pleut plus et l'air frais s'y engouffre. Tu glisses un bras à l'extérieur, ta main surfe sur le vent. Daniel le remarque. Il accélère légèrement et rigole. Sa main gauche posée sur le volant, il utilise la droite pour trouver quelque chose de bien à écouter, lui dont la relation à la musique est si forte. Pour garder la surprise intacte, tu fermes les yeux et renverses ta tête en arrière. Après quelques secondes d'attente, les premières notes de la chanson choisie par Daniel envahissent l'habitacle.

Kid Cudi - Mr. Rager. L'effet est immédiat. Ta poitrine se serre, tu peux à peine respirer. D'un geste rapide, tu portes la main refroidie par l'air d'avril à ta gorge. Cette chanson... elle te transporte si loin. Là où tu avais promis de ne pas remettre les pieds. Pour la deuxième fois de la soirée, tu sens les pleurs envahir tes yeux. Tu articules difficilement: « change de chanson ». Daniel remarque ta détresse. Il éteint immédiatement la musique, tout en ralentissant sa conduite. « Qu'est-ce qui se passe? ». Tu aimerais lui répondre, mais les sanglots sont déjà là. Pliée en deux, la tête posée entre tes genoux, tu fais de ton mieux pour cacher ton visage déformée par la tristesse. Une tristesse que Damiano n'a pas causée. Celle-là tu l'es infligée toute seule, il y a bien longtemps.

On dit de Daniel qu'il aime la musique par dessus tout. Sur ce point-là, vous vous ressemblez beaucoup. Comme lui, tu utilises la musique pour canaliser tes émotions. Du coup, tes chansons préférées sont forcément associées à des moments de ta vie, tristes ou heureux. Mr. Rager fait partie de celles que tu n'écoutes plus, par peur de faire revenir l'adolescente que tu as mis tant de temps à pardonner. Cette jeune fille, froide et égoïste, qui s'est fermée au monde après la mort de son père. En temps normal, tu aurais très certainement pu écouter en faisant semblant d'apprécier. Mais tes nerfs sont à vifs. Il t'est impossible de retenir ce que tu ressens.

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Daniel gare sa voiture sur le bord de la route. Il éteint le moteur. Sans un mot, il pose sa main droite sur ta nuque, la massant légèrement au rythme de tes sanglots. Mal à l'aise, il ne sait pas très bien ce qu'il doit faire. Depuis qu'il t'a rencontrée, il est troublé.

La première chose qu'il a vue, c'est ton physique. Soyons honnête. Il t'a détaillée, de loin, sans dire un mot. Une jeune femme, aux longs cheveux bruns, attendant le bus. C'est ta bouche qu'il a d'abord appréciée. Ronde et accueillante. Obscène aussi, quand elle prononce cette insulte française « connard ». Pour son petit plaisir personnel, il s'est imaginé être l'objet de ta colère. Il a parcouru le reste de ton visage. Il trouve tes yeux uniques, pareils à ceux d'une louve. Il ne peut pas l'expliquer mais tu dégages quelque chose d'animal. C'est à ce moment-là qu'il remarque que tu es en train de pleurer.

La première fois qu'il t'a vue pleurer, Daniel t'a proposé de boire un verre. Mais cette fois-ci, le mal est plus profond. Il n'a même plus envie de t'attirer dans son lit. Daniel est un séducteur mais il est aussi humain. Quand d'autres auraient profité de ta faiblesse, lui se sent responsable de te rendre un semblant de sourire. Il continue de masser le haut de ta nuque, cherchant à briser le silence qui s'est installé. « Tu veux me raconter? ».

Tu secoues vivement ta tête sans pour autant la relever. Tu sens les deux mains de l'Australien se poser sur tes épaules. Doucement, il relève le haut de ton corps. Tu fais maintenant face à lui. Tu aimerais renifler, mais tu n'oses pas. Tu remarques que Daniel ne peut réprimer un sourire. Un sourire qui se transforme très vite en éclat de rire. Interdite, tu te demandes ce qui peut le faire rigoler de la sorte. « Tu as de la morve sur le visage », explique l'homme qui cherche maintenant un mouchoir dans les poches de son jeans. Rouge de honte, tu essuies grossièrement ton visage avec la manche de ta veste. « Tu as toujours envie de moi? ». Tu poses la question pour détendre l'atmosphère et pour rappeler que tu ne te prends pas au sérieux. Tu sais parfaitement qu'il ne se passera plus rien avec Daniel. Une nouvelle fois, l'Australien rigole. Il répond avec un sourire un coin:

- Rien de plus excitant qu'un nez qui coule!
- Je suis désolée qu'on se soit rencontrés dans ces circonstances. Je ne suis pas toujours comme ça.
- Moi aussi je pleurerais tout le temps si je devais travailler avec Daniil.

Daniel réussit à te faire rire. C'est le signal qu'il attendait. Il redémarre la voiture avant de déclarer:

- Il est clair qu'on ne va pas coucher ensemble. Mais je ne peux pas te laisser seule dans cet état. Tu peux dormir chez moi.

Tu acceptes, reconnaissante de ne pas devoir te retrouver seule avec tes pensées après une soirée aussi éprouvante.

Daniel et toi continuez de discuter. Vous abordez des sujets légers, par peur de déclencher à nouveau le torrent de tes pleurs. Il te parle du circuit de Sotchi où vous vous rendrez bientôt. Avec une pensée pour ton père, tu lui poses toutes les questions qu'une passionnée de Formule 1 poserait à un pilote. Ton intérêt l'étonne. La plupart des gens qui travaillent dans les bureaux de Red Bull Racing n'y connaissent rien. La discussion dévie rapidement. Lui aussi montre de l'intérêt. Tu lui parles de ton travail et des journalistes qui appellent au milieu de la nuit à cause du décalage horaire. Loin du bar où la tension était à son paroxysme, vous partagez quelque chose de beaucoup plus tendre. Un début d'amitié, peut-être.

Ne m'attends pas - Daniel Ricciardo // Max VerstappenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant