16. excuse-moi - février 2017

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Cher Max,

Si je t'écris cette lettre, c'est parce que j'ai beaucoup de choses à t'avouer. S'il te plaît, prends le temps de la lire jusqu'au bout. J'ai besoin de partager ce que je ressens. Tu n'es pas obligé de répondre si tu n'en as pas envie.

On s'est rencontrés il y a moins d'une année. Quand je t'ai vu pour la première fois, dans cette salle de conférence de Milton Keynes, je n'étais pas heureuse. Mon ex venait de me quitter, je vivais seule et loin de ma Suisse, de ma famille et de mes amis. Pour être honnête, j'aurais certainement sombré si tu ne m'avais pas demandé de devenir ton assistante. Je me suis réfugiée dans le travail pour oublier et pour me reconstruire.

Tu es passée de patron à ami en peu de temps. C'est parfois difficile à gérer... je ne sais pas ce qui est interdit et ce qu'il ne l'est pas. Est-ce que j'ai le droit de te prendre dans mes bras aux yeux de tous quand tu gagnes une course? De m'endormir sur ton épaule pendant un vol entre deux continents? De t'écrire des messages au milieu de la nuit parce que je tombe sur une vidéo qui me fait rire? Il m'arrive de le faire. Mais seulement quand j'arrive à oublier ce que tu représentes pour ma carrière. Max, si tu venais à me licencier, je devrais sûrement rentrer chez moi et tirer une croix sur la Formule 1. J'aurais échoué. Échouer à réaliser mon rêve, un rêve que mon papa m'a inspiré.

C'est pour cette raison que je te fuis. J'étais prête à passer la nuit avec toi à Abou Dabi. À tout oublier et à prendre un risque. Mais j'ai eu peur. Peur que tu me quittes sans un mot au petit matin. Je n'ai pas réussi à dépasser cette angoisse. Je te demande pardon. Pardonne-moi de pas avoir cru en toi. Aujourd'hui, je sais que je peux te faire confiance.

Tu me manques tellement Max,

Ton amie

-

L'hiver est long. Tu as passé les fêtes de fin d'année à Zürich avec ta famille et tes amis, pendant que Max était à Monaco. Ces quelques jours t'ont permis de réfléchir et de mettre des mots sur ce que tu gardes pour toi. Tu as écrit une lettre. Une lettre que tu n'as pas encore transmise. L'occasion de le faire ne s'est jamais vraiment présentée. C'est du moins ce que tu te répètes depuis plusieurs semaines pour ne pas devoir affronter la vérité. Tu as si peur que tout s'effondre. Et si Max s'éloignait encore plus? Et s'il décidait que toute cette histoire ne fait que le détourner d'un titre de champion du monde? Ces craintes t'empêchent d'avancer. Cela ne peut plus durer.

Un soir après le travail, tu décides enfin de sauter le pas. Max t'a autorisée à rentrer, mais lui doit encore participer à un débriefing avec ses ingénieurs. Enfermée dans ta voiture, tu l'attends sur le parking de l'usine. Une pluie glaciale s'abat sur Milton Keynes. Ton regard est rivé sur l'entrée principale. Quand il franchira cette porte, tu te précipiteras pour lui remettre la missive. Tu as conscience du ridicule de la scène. Mais une fois qu'il tiendra la lettre entre ses doigts, tu n'auras plus qu'à mettre les gaz. Les dés seront jetés.

Tu distingues enfin Max qui s'avance vers la porte vitrée. Il est seul. Tu sors de ta voiture sans réfléchir, le capuchon de ton manteau relevé sur ta tête. Dans ta poche, tu serres nerveusement le papier de l'enveloppe. Tu espères que la pluie ne l'atteindra pas. Tu franchis les quelques mètres qui te séparent du Néerlandais. En t'apercevant, il demande:

- Tu as oublié quelque chose dedans?

Ton souffle est court. Tu n'arrives pas à lui répondre. Tu déglutis difficilement. D'un geste hésitant, tu lui tends la lettre humide. Tu ne dis rien, mais il comprend. Il saisit le papier. Sans attendre une quelconque réaction, tu t'en vas.

-

Assis dans sa voiture, Max est abasourdi. Cette lettre que tu lui as donnée, il a eu besoin de la lire tout de suite. Il n'a pas pu se retenir. Il l'a dévorée. « Tu me manques tellement Max ». Ces mots résonnent encore en lui. Il est soulagé. Soulagé de savoir que tout n'est pas perdu. Ce que tu as mis tant de temps à lui avouer, le pilote le savait déjà. Il a toujours eu conscience de ta fragilité. Il sait aussi que le plus fin des gibiers ne se laisse pas facilement capturer. Mais cette chasse l'a épuisé. Il s'est senti humilié quand tu l'as laissé en plan à Abou Dabi, lui le jeune pilote de F1 à qui on ne dit jamais non. Il t'en a voulu. C'est pour tout cela qu'il a laissé une certaine distance s'installer entre vous. La réaction d'un jeune homme blessé. Mais cette lettre change tout.

Ne m'attends pas - Daniel Ricciardo // Max VerstappenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant