[Illustration de Raphaël, aux feutres à alcool]
Raphaël n'avait pas réussi à résister aux projets despotiques de Charly. Alors que Casimir et Anton étaient partis réaliser quelques courses pour s'incruster avec moins de remord à cette soirée où ils seraient les intrus, que Léandre était lui aussi allé chercher des affaires, Charly n'avait pas laissé à Raphaël le loisir de se sentir de trop. Iel lui avait fait visiter sommairement les lieux en le déclarant responsable s'il lui arrivait malheur.
- Tu as prévu de finir à courir à poil dans la rue ?
- Non et j'ai l'intention d'être responsable, mais on ne sait jamais. T'as l'air d'être le gars sur qui on peut compter.
- Je ne serais pas si sûr à ta place.
- Je sais surtout sur qui ne pas compter parmi les animateurices. Toi, j'ai aucun moyen de savoir.
- Et ça soulage ta culpabilité, avait complété Raphaël, d'un air faussement songeur et en pensant surtout à l'énergie rafraîchissante de Charly.
- Tu as tout compris, avait-iel acquiescé, avant d'entraîner Raphaël à l'étage.
Il avait cru à une prise d'otage, en particulier lorsqu'iel lui avait ouvert la porte de la chambre de ses parents. Iel avait remarqué la manière dont Raphaël avançait avec plus de retenue. Il avait enfoncé ses mains dans ses poches et Charly abattit ses deux mains à plat sur ses épaules crispées. Iel lui arracha un imperceptible sursaut avant de triompher :
- En train de regretter d'être resté ?
- En train de me demander si Wendy ne devrait pas revoir ses amitiés. Explique-toi avant que je redescende les escaliers et que j'appelle à l'aide.
Charly, du haut de son mètre soixante, ne payait pas de mine. Raphaël n'avait pas peur d'iel et si sa tendance à l'inconscience n'y était pas étrangère, le personnage en lui-même n'avait rien d'effrayant. Iel, de ses cheveux bruns coupés courts qui bouclaient à la base de sa nuque à ses oreilles joliment décorées de piercings en passant par ses lèvres peintes en bordeaux n'évoquait rien de bien effrayant. Wendy pouvait se vanter d'être décalée, Charly aussi, et Raphaël comprenait d'où pouvait venir leur amitié.
- Je ne vais pas te manger, promit Charly, avant de rendre les armes et de désigner la coiffeuse installée juste devant une grande fenêtre. C'est à ma mère, tout ça. Elle n'est pas au courant pour la soirée et si on fait gaffe, elle ne saura jamais qu'on a emprunté son maquillage.
Raphaël battit des cils, interloqué.
- Tu veux que je te maquille ?
- Sans façon.
- Laisse ton mépris avec ton sens des responsabilités, cingla Raphaël. Je maquille très bien.
Il se rengorgea en guettant la réaction de Charly. Iel avait esquissé un sourire carnassier. Ce genre d'humour était à manier avec vigilance et pas avec n'importe qui. Iels étaient sur la même longueur d'onde et Raphaël sourit plus largement. Il savait Anton un brin susceptible et Casimir parfois très porté sur le premier degré pour qu'il se risque à être aussi brusque. Pour qu'il oublie un peu toutes les limites qui jalonnaient son chemin. Les leurs avaient divergé sans qu'ils ne s'en rendent compte, au fil des années où les fossés s'étaient creusés et ils avaient fallu établir des compromis pour désamorcer les disputes. L'humour n'était qu'un exemple parmi d'autres et Charly, quand iel rétorqua avec un aplomb mordant, le soulagea :
- Apparemment, le maquillage existe pour cacher les imperfections. Dès que je t'ai vu, je me suis dit que tu étais le coupable tout désigné.
- Tu veux me maquiller ?
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Adieu, demain
RomanceL'été, c'est cet instant où les erreurs sont permises. Léandre fait la rencontre d'un groupe d'amis dans un coin reculé de l'Ardèche. Coin suffisamment reculé pour l'éloigner de la présence nocive de ses parents, mais pas assez pour le débarrasse...