[Croquis de Casimir]
Raphaël avait croisé Nayla trois fois depuis qu'il avait quitté sa chambre à l'hôtel.
Trois fois de trop à son goût.
Elle ne lui avait pas adressé un regard et lui avait encore moins adressé la parole. Elle était trop mature pour que Raphaël puisse s'imaginer qu'elle le boude. En revanche, il la soupçonnait très sérieusement d'alimenter quelques projets de meurtre.
Raphaël n'avait pas croisé Léandre une seule fois.
Et c'était définitivement trop peu.
La seule personne qui avait daigné lui adresser la parole et déconstruit la réputation de pestiféré que Raphaël avait commencé à appréhender, c'était Liv. Elle semblait avoir décidé que ce qui s'était passé hier ne la regardait en rien. Peut-être même regrettait-elle d'avoir été témoin de ces disputes trop personnelles. Elle aidait Nayla derrière le bar de bon matin et servait les chocolats chauds, les laits et tout ce que la clientèle pouvait exiger pour bien démarrer la journée. Liv prétendait que rester là à ne rien faire, c'était aller à l'encontre de sa nature.
La vraie raison était qu'elle était atteinte de TDAH – trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité – et qu'elle approchait doucement et sûrement de la folie, à ne rien faire. Elle avait avoué à Raphaël que son trouble la handicapait dans l'exécution de tâches simples, mais que ces instants où elle mélangeait les étapes pour réaliser un café digne de ce nom restaient préférables à l'ennui.
Liv avait deux cafés d'avance et s'était attaqué à la surface parfaitement propre du bar. Elle l'astiquait avec énergie lorsque Raphaël arriva en bas des escaliers, encore un peu désœuvré par le sommeil. Liv le salua sans noter la surprise de son interlocuteur et lui planta d'autorité une tasse de café noir entre les mains.
— Merci.
— Tu peux prendre autant de sucre que tu veux.
Elle désigna les petites dosettes rassemblées dans un pot à proximité.
— Moi, je le prends sans. Le plus amer possible.
— Pas sûr que tu en aies besoin.
Raphaël se garda de préciser qu'il n'aimait pas le café et encore moins noir. Il huma l'odeur avant de tremper ses lèvres et d'ajouter trois dosettes de sucre à sa boisson.
— Nayla finira par passer à autre chose.
— Tu crois ? J'ai rarement rencontré plus rancunier qu'elle.
— Disons que tu as un peu éraflé la confiance qu'elle t'a portée.
— Tu me rassures, Liv, vraiment.
Raphaël n'était amer. Ou du moins, s'il l'était, il n'en laissait rien paraître. Il but une longue gorgée de café tiède pour se convaincre que le goût infect ne faisait que déteindre sur son humeur. Rien de plus ou rien de moins.
Un vieil homme passa entre les fauteuils et les salua le sourire aux lèvres. La tension de Raphaël s'envola un petit peu. Assez pour qu'il réussisse à boire une deuxième gorgée de café.
— Elle s'en veut de ne pas avoir deviné ce qui allait se passer.
— À croire que c'est un crime, maugréa Raphaël, les yeux rivés sur sa tasse.
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Adieu, demain
RomanceL'été, c'est cet instant où les erreurs sont permises. Léandre fait la rencontre d'un groupe d'amis dans un coin reculé de l'Ardèche. Coin suffisamment reculé pour l'éloigner de la présence nocive de ses parents, mais pas assez pour le débarrasse...