[Petit croquis de Léandre]
Wendy leva le nez vers le ciel et vida ses poumons de leur oxygène.
Le soleil n'apparaissait plus qu'à travers des lambeaux de nuages. Le ciel avait viré au gris pendant qu'ils traversaient la forêt et, en humant l'air, Wendy commenta :
— Ça sent l'orage.
— On est en vigilance orange, commenta platement Anton, qui s'était assis au milieu de l'eau qui lui arrivait jusqu'aux épaules.
— Tu as quand même maintenu la randonnée ? s'étonna Léandre, à l'attention de Wendy qui ne se sentait pas très concernée par le problème que cela pouvait représenter.
— On a tout le temps de rentrer.
Léandre examina les nuages qui s'étaient installés en traître. Ils n'allaient pas se mettre à commenter la météo, mais un peu de pluie ne ferait pas de mal. Il n'avait qu'à jeter un œil aux alentours, à l'herbe jaunie qui crevait tant bien que mal une terre sèche, bientôt infertile. D'un mouvement de la tête qui échappa à son contrôle, Léandre chassa cette pensée.
Pas maintenant !
Pas maintenant ? Ce répit que tu t'offres, la cause que tu sers ne peut pas se la permettre.
— Léandre ?
Anton était à l'affut et Léandre ne l'avait pas remarqué. Avait-il peur qu'il leur craque une nouvelle fois entre les doigts ? Les nuages qui s'agglutinaient dans le ciel formaient comme une étuve et la chaleur humide et orageuse se fit étouffante. Léandre s'entendit à peine articuler :
— J'aimerais aller là-haut.
Du menton, il avait désigné le haut de la falaise qui culminait quelques dizaines de mètres plus haut.
De la moue dubitative de Casimir à la perplexité d'Anton, Léandre aurait pu deviner sans mal la réticence du groupe avant même d'avoir lancé ce défi. Un défi qu'il se lançait à lui-même et qui avait surgi avant qu'il ne pense à la difficulté que cela pouvait représenter. C'était une réponse inconsciente à sa propre intransigeance.
Tu n'es pas capable.
Des regards s'échangèrent et l'estomac se serra. Le Léandre du Mans se serait empressé de revenir sur ce coup de tête incompréhensible. Il se serait même excusé dans la précipitation. Une impulsion le poussa à s'écraser comme il avait eu l'habitude de le faire face à ses frères et sœurs, même plus jeunes que lui. Il tint ses positions et attendit que les regards en douce, dignes d'une conspiration, découlent vers un avertissement prudent. Anton s'en chargea :
— Je ne suis pas certain que ça soit une bonne idée de forcer sur tes capacités. Tu n'avais pas l'air convaincu de réussir à monter jusqu'ici et tu l'as fait.
— Tu penses que je devrais m'en contenter ? s'enquit Léandre, d'un air de défiance.
Il en avait assez de contenter de moins, de revoir ses ambitions parce qu'on lui répétait qu'il ne pouvait pas espérer en obtenir autant que les autres. Il avait fini par s'en persuader et à prendre le relai de ces précautions pas toujours bienveillantes.
Et s'il s'était imposé toutes ces limites par confort et non par obligation ?
Léandre ne savait pas prendre des décisions. D'aussi loin qu'il se souvenait, il n'avait pas eu son mot à dire. Sa mère ne lui avait pas demandé son avis avant de partager ses jouets entre des dons dédiés aux enfants défavorisés et sa petite sœur, pour ceux en meilleur état. Son père ne lui avait pas demandé son avis avant l'inscrire au club du foot du collège. Il avait été désinscrit dans la foulée, après s'être révélé d'une médiocrité affligeante. On lui imposait des conduites à tenir, des voies à suivre.
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Adieu, demain
RomanceL'été, c'est cet instant où les erreurs sont permises. Léandre fait la rencontre d'un groupe d'amis dans un coin reculé de l'Ardèche. Coin suffisamment reculé pour l'éloigner de la présence nocive de ses parents, mais pas assez pour le débarrasse...