[Une illustration aux feutres à alcool pour Anton]
— Il t'a donné une excuse valable, au moins ?
— Son môme est malade.
Anton, les épaules recouvertes d'une épaisse serviette de plage, marmonnait dans sa barbe. Il détestait les déconvenues, surtout celles de dernière minute. Leur guide, supposé les emmener à un peu moins d'une heure de Largentière pour une demi-journée d'initiation à la spéléologie, venait de se désister au dernier moment. Raphaël avait souhaité un bon rétablissement à son fils, mais Anton avait été beaucoup moins compréhensif. Comme s'il reprochait à Raphaël son impeccable politesse.
Celui-ci trempait pensivement ses orteils dans la piscine et observait la nuit qui déployait autour de lui avec une attention incisive. Le soleil venait à peine de se coucher et il dut lutter contre son réflexe de consulter l'heure. Il devait être vingt-deux heures, peut-être un peu plus et le groupe était inhabituellement calme. Seule une musique d'ambiance comblait le silence.
Le seul qui avait envisagé de rompre cette quiétude barbottait dans l'eau avec langueur. Seule la tête de Casimir dépassait. Il savait la mauvaise humeur d'Anton éphémère, aussi tenta-t-il de trouver une solution, ou du moins de prouver sa bonne volonté :
— C'est l'adresse que ton père nous avait donnée. Tu ne peux pas voir avec lui ?
— Si son gosse est vraiment malade, mon père ne pourra pas faire de miracle. Raphaël, tu es sûr qu'il ne pourrait pas décaler à une autre date avant qu'on rentre ?
— La pleine saison commence. Il est plein jusqu'à début août.
Anton ronchonna un peu plus. Il rabattit le bord de sa serviette sur ses cheveux trempés. Il aurait sans doute boudé un peu plus longtemps si un verre ne heurta pas son crâne. C'était Wendy, armée d'un thé glacé dont elle avait le secret. Anton en raffolait et s'il se doutait que c'était là un moyen de l'appâter, il se laissa convaincre quand même. Une gorgée rafraîchissante suffit à balayer un peu de sa contrariété.
— Tu n'es pas difficile à apprivoiser, toi.
Bastet avait sauté sur le transat à côté d'Anton pour entamer une toilette nocturne. Contrairement à Casimir, il ne s'en méfiait pas comme de la peste. Il étendit le bras pour déranger le félin qui lui jeta un regard outré.
— Il faut savoir me caresser dans le sens du poil, observa Anton à l'attention de Bastet.
— Il y a des sentiers sympas qu'on a essayé avec la colo. Ça ne vaut pas la spéléo, je ne serai sûrement pas un aussi bon guide, mais si ça te dit...
Anton afficha un sourire un peu déçu, mais au moins la contrariété avait-elle déserté son visage fin. Il s'ébroua. La croix qu'il portait en pendant d'oreille s'agita et des gouttelettes atteignirent Bastet qui s'en fut dans un feulement furieux.
— Tu fais du favoritisme ? s'enquit Casimir qui s'était redressé dans l'eau de toute sa taille.
— Tu n'aimes pas le thé glacé, rétorqua Wendy.
Elle n'était au petit soin pour aucun d'eux. Il lui arrivait d'être intentionnée, puis irresponsable, de s'isoler une journée entière, puis de ne plus lâcher Casimir d'une semaine. Imprévisible, elle passait facilement pour une écervelée et chaque membre du groupe avait bien compris qu'il n'en était rien. Elle était la cadette, l'élément imprévu qui se creusait une place et s'adaptait en conséquence sans rien perdre de son originalité.
Anton ne l'avouerait pour rien au monde, mais il avait été le plus réticent à l'idée d'accueillir une inconnue dans leur groupe. Wendy aurait parié sur Raphaël qu'elle avait privé de sa chambre, mais il ne lui en voulait pas le moins du monde. Il l'appréciait sincèrement et elle le lui rendait bien. Peut-être plus que cela. Raphaël la touchait dans ce qu'elle croyait deviner de lui.
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Adieu, demain
RomanceL'été, c'est cet instant où les erreurs sont permises. Léandre fait la rencontre d'un groupe d'amis dans un coin reculé de l'Ardèche. Coin suffisamment reculé pour l'éloigner de la présence nocive de ses parents, mais pas assez pour le débarrasse...