Chapitre 24

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[Rapide esquisse de Raphaël. Petit rappel de la soirée au niveau du maquillage, d'ailleurs :)]

Léandre leva le visage vers le ciel et une goutte claqua au milieu de son front. Il frissonna tout son soûl. L'orage approchait.

— Il était temps, commenta-t-il, d'une voix réjouie.

Plus bas, la terre assoiffée absorbait les premières pluies. Les dernières précipitations remontaient à trois semaines, peut-être plus. Léandre avait entendu certains minimiser la sécheresse en arguant qu'il n'y avait rien de plus naturel en été.

Le visage rejeté en arrière, le visage lavé de ses pleurs, le cœur gonflé d'une joie pure après ses éclats, Léandre eut un sourire.

Il faudrait plus qu'un déluge pour faire entendre raison à l'humanité.

— On devrait redescendre, objecta soudain Raphaël.

Léandre avait momentanément écarté de ses pensées l'épreuve qui l'attendait. Il aurait voulu retarder l'échéance et rester en haut de la falaise aussi longtemps que possible. Les mots de Raphaël avaient été tout ce dont il avait besoin. Un baume sur une blessure que personne n'aurait qualifié comme telle.

Raphaël fouilla dans la poche arrière de son pantalon et en sortit son téléphone. Léandre devina la suite. Il n'eut pas besoin d'attendre que Raphaël achève son geste pour en être sûr, alors il allongea le bras. Il captura le poignet de son amant.

— Ça doit faire une heure qu'on est partis. Peut-être un peu plus.

Raphaël dévisageait Léandre, interdit. Il croyait deviner, dans l'inflexion de sa voix, un reproche.

— C'était l'heure que tu voulais regarder.

— Et alors ?

Raphaël serra les dents en se découvrant sur la défensive. Son indifférence feinte ne laissait filtrer qu'une joie caricaturale, une exubérance qu'il maîtrisait à l'instar de brillants comédiens auxquels il aurait pu vendre la recette de son succès et un art de la provocation tout aussi fin.

Léandre sourcilla et Raphaël fut tenté de lui échapper. Sa poigne était légère et il n'aurait eu aucun mal à profiter de sa force pour se dégager. Cela aurait été déloyal et Raphaël savait qu'il ne ferait qu'attirer les soupçons de Léandre sur lui. Or il s'était arrangé depuis leur rencontre pour en rester éloigner.

Léandre déglutit. Le regard incisif de Raphaël le mettait à rude épreuve. Il avait l'impression d'être mis à nu et disséquer morceau par morceau. Il tint bon et choisit ses mots avec soin :

— Ce n'est pas la première fois. Je te vois souvent regarder ta montre ou... ou ton téléphone comme si tu avais peur, comme si c'était une obsession.

— C'est bizarre, asséna Raphaël.

Léandre se fit violence pour ne pas reculer. Pour ne pas accuser le coup. Ces mots l'avaient renvoyé le soir où ils avaient discuté pour la première fois. Sauf que cette remarque n'avait pas été une arme, juste l'objet d'une plaisanterie. Sur les marches devant l'hôtel aux roses, Léandre s'était confessé au sujet de son anxiété.

Depuis lors, ils n'avaient plus jamais été à égalité.

C'était cet avantage que Raphaël disposait sur lui, que Léandre entendait désamorcer. Il ne craignait pas qu'il s'en serve contre lui pour l'atteindre, mais derrière le naturel apparent de Raphaël, il y avait un homme qui se préservait. Un homme dont il ne savait presque rien et qui entretenait ce mystère. Non pas pour forger une identité un peu inaccessible, mais par pudeur.

Adieu, demainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant