Chapitre 38

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/!\ TW : le chapitre qui suit est susceptible de heurter la sensibilité de certain.e.s au vu de la thématique qu'il aborde. Pour ne pas spoiler, je ne divulguerai pas cette thématique ici, mais demandez-moi en commentaire de quoi il s'agit si vous savez que vous risquez d'être trigger. Je ne fais pas de descriptions trop précises ou graphiques de la thématique que j'aborde, à titre de précision. Je peux également vous résumer le chapitre en privé si vraiment vous ne vous sentez pas capable de lire. Bonne lecture ! /!\


Raphaël avait d'abord pensé à sourire.

Comme cela, sans raison, parce que son visage avait appris à ne donner aucune signification à ses sourires. Ce rictus-là aurait été défait, désabusé, pas tout à fait désolé.

Il aurait souri comme d'autres pleureraient.

Il avait lu le message, encore et encore, jusqu'à le connaître par cœur et sans réagir. Son visage était resté impénétrable et il avait à peine cillé.

Lorsque Léandre s'était penché vers lui, les sourcils froncés sur un regard inquiet, Raphaël avait acquiescé pour le rassurer. Il avait gardé la face comme il l'avait toujours fait. Avec une aisance qui lui avait glacé le sang. La facilité avec laquelle il mentait était inhumaine.

Personne n'avait rien remarqué. Pas plus que la plupart des gens avaient vu l'ombre s'enrouler amoureusement autour du corps de Raphaël six ans plus tôt. Les hommes étaient aussi aveugles que lui savait mentir à merveille.

Autour, les discussions fourmillaient. Tout était si vivant... Raphaël ne savait pas comment cela pouvait frémir autant à l'extérieur et être aussi mort à l'intérieur. Il pouvait sentir pour la première fois combien il était pourri. Combien tout, sous sa peau, était hideux, putride, répugnant.

Il avait osé se croire guéri. Raphaël excellait dans l'art du mensonge, mais il n'y avait rien qu'il réussissait tant que se mentir à lui-même. L'ombre ne l'avait jamais quitté. En coulant un regard vers Léandre qui riait pudiquement à une plaisanterie de Casimir, Raphaël se sentit soudain très las. Très vide et très plein.

S'il avait ignoré l'existence de son ombre, c'était parce que Léandre l'avait approché d'assez près pour le contaminer de sa lumière.

Raphaël se leva et ses jambes ne se dérobèrent pas sous son poids. Elles tinrent bon. Il se pencha vers Léandre, eut envie de le toucher et de le fuir à la fois. Poser la main sur lui risquait de le souiller, d'inscrire une marque ignoble sur sa peau. Léandre brisa le dilemme de Raphaël en retenant sa main. Il caressa sa paume de son pouce et quand son amant salua le groupe d'un signe paisible de la main, Léandre le suivit jusqu'à l'entrée de l'hôtel.

La nuit était tombée.

— Où tu pars ? demanda Léandre.

— J'ai un truc à régler, à propos de mon père. Ça ne peut pas attendre.

— Les autres ont proposé de manger ensemble près de la rivière demain. Tu y seras ?

Raphaël détailla le visage de Léandre comme s'il essayait à tout prix de se rattacher à ses traits, à ce qu'il avait de plus concret. Pas ses mots, ses peurs ou ses promesses, mais sa peau. Raphaël nota la pureté lumineuse de sa figure, même dans la nuit. Le délié de son visage, la finesse de son menton, sa bouche discrète, ses yeux assombris par l'obscurité et ses cheveux dont l'éclat rappelait le soleil tendre de l'aube.

Raphaël voyait Léandre, mais n'arrivait pas à imaginer ce repas près de l'eau. Il avait beau se concentrer, y mettre toute la bonne volonté du monde, il en était incapable. Ni image ni sensation. Le vide total.

Adieu, demainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant