Chapitre 14

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[Casimir, crayon et feutre bruns]

Raphaël s'arracha le premier au regard de Léandre. Sous ses yeux, le maquillage argenté avait coulé en une traînée de paillettes. Comme s'il avait pleuré sans que personne ne s'en rende compte.

Une voix masculine remonta du couloir d'entrée jusqu'à eux et mit un terme définitif à leur proximité. Léandre recula d'un pas, hésita une seconde et fut saisi d'un courage que Raphaël ne lui avait pas imaginé. Il traversa le salon en quatre enjambées chancelantes. Sa jambe gauche avait profité de cet instant de répit pour lui rappeler qu'il aurait mieux fait de rester tranquillement assis dans son coin.

Léandre pila au bout du couloir. Sur le seuil de la porte qui venait de claquer, il reconnut Wendy et Charly, côte à côte. Les deux complices semblaient faire barrage à un homme. Le regard de Léandre avisa son sourire mielleux, son expression suffisante de celui sûr de ses acquis et tout permis.

Sa voix doucereuse et Léandre fut glacé par son mépris. C'était ce qui l'avait interpellé, plus qu'une curiosité mal placée.

- Tu me déçois. Qu'est-ce qu'elle t'a raconté ?

- Je n'ai rien dit, Maxime, articula Wendy, animée par un infime espoir qu'il se contente de cette promesse pour déguerpir.

- Ils sont là, n'est-ce pas ? Les autres... Où est-ce que tu les as fourrés, Charly ?

Iel se retourna pour découvrir, au bout du couloir, la silhouette statique de Léandre. Il ne comprenait pas un mot de ce qu'il se jouait. Dans son dos, il y avait Raphaël. Raphaël qui en savait assez long pour intervenir s'il le fallait. Le regard que Charly lui adressa était suppliant.

Iel se rappelait du matin où Maxime leur avait annoncé le départ de Wendy. Il avait rapidement conclu sa version des faits par une mise au point : chaque animateur était tenu de dissiper la curiosité des enfants. Pour éviter de heurter leur sensibilité selon les propres termes de Maxime, ils avaient menti en prétendant que le père de Wendy étant tombé malade, elle avait dû prendre le premier train pour rentrer chez elle.

L'enfant que Wendy aurait approché de trop près ne s'était pas manifesté. Maxime était largement capable de s'assurer le silence d'un môme. Manipulateur, Charly lui avait toujours imaginé un tempérament colérique. C'était ce qui lui faisait peur, dans la manière dont Maxime les écrasait de sa présence et ne leur laissait pas d'autre choix que d'accepter sa venue. Il s'imposait.

- Hé, comme ça vous retournez tous votre veste !

Il s'était égosillé suffisamment fort pour être entendu des invités encore installés sur la terrasse. Dans le silence de la maison, il y eut un froissement. Le sourire de Maxime exultait et le visage de Charly s'était empourpré sous le coup de la colère. Iel avait du mal à garder les idées claires. Ce n'était pas pour rien qu'iel avait confié le contrôle de la situation à Raphaël. Ce dernier, qu'elle devinait pas tout à fait mettre de ses moyens, lui adressa un sourire confiant.

Un faux sourire.

Raphaël se retourna. Léandre porta sa main à son visage pour pincer la peau et la pétrir comme une pâte à modeler. Il pensa pour Wendy, puis à aux visages avides des premiers curieux qui prenaient d'assaut le salon et encore à Wendy qui n'avait décidément pas besoin de cela.

- Il n'y a rien à voir, réussit-il à marteler, d'une voix étranglée.

- Allez voir ailleurs si on y est, les vautours ! s'époumonna Raphaël, de sa voix éraillée qui résonna comme dans la nef d'une cathédrale.

Maxime semblait se délecter de la tournure qu'empruntait les événements. Il n'en avait pas demandé tant.

- Qu'est-ce que tu veux ? finit par demander Charly. Wendy a gardé ton petit secret et les moins naïfs et les moins influençables ont deviné que t'étais pas le petit gars parfait que tu présentes.

Adieu, demainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant