[C'est Casimir que vous retrouvez en média.
TW : scène à caractère sexuelle qui concernera le chapitre qui suit. Je vous souhaite une bonne lecture !]Raphaël était un homme foncièrement pudique.
Il avait été arraché à ses émotions six ans plus tôt, bien qu'il se soupçonnât d'avoir commencé à les étouffer plus tôt. Depuis, il avait appris à composer sans, à se munir d'un sourire de circonstance et à jouer le jeu. Il y était particulièrement doué.
Depuis ce jour, six ans plus tôt, Raphaël se montrait évasif lorsqu'il devait s'épancher sur ses envies, il éludait les questions, les retournait contre l'interrogateur. Il avait inventé tout un tas de stratégies d'évitement. Parler de lui-même et de ses émotions en particulier était douloureux. Cela le renvoyait systématiquement au vide qui s'était creusé, à ce manque que rien n'avait jamais su combler.
Lorsque Casimir signala à Raphaël que Léandre avait une place spéciale, il fut incapable de nier. L'idée lui vint en première et lui laissa un goût âpre dans la bouche. Elle illustrait toute sa lâcheté et un tempérament porté sur la fuite, encore et encore.
Sauf que même le pire couard arrivait à un moment où il ne pouvait plus esquiver. Il finissait pied au mur.
Raphaël ne nia pas. Il haussa les épaules comme si cette idée ne lui inspirait rien de plus. Au contraire, elle le terrifiait. Elle le terrifiait parce qu'il n'était plus familier des émotions qui s'agitaient au fond de son ventre et dans son cœur. Raphaël était devenu un adulte sans se comprendre, en cultivant une image erronée de lui-même. Léandre avait soulevé à ce titre tout un tas de contradictions et il avait vu juste : Raphaël n'avait pas la moindre idée de qui était le vrai lui. Il s'était approprié ces mécanismes sociaux, ces sourires et le reste du temps, l'indifférence.
C'était une forteresse dont Raphaël avait été fier, un ou deux ans auparavant. Sauf qu'entre temps, il y avait eu l'année de voyage où il s'était guéri. Pas entièrement, il restait ce vide en lui, ce vide inqualifiable dont Raphaël avait sous-estimé l'importance, mais ces mois de liberté lui avaient permis de renouer avec des parties de lui qu'il pensait anéanti depuis longtemps. Il avait retrouvé le petit garçon plein d'ambitions, plein de rêves un peu fous, sans doute irréalisables.
Il s'était penché au-dessus de cette projection de lui-même et avait été infiniment triste pour lui. Le Raphaël de huit, dix ou douze ans ne méritait pas cela.
Celui de vingt-et-un ans avait fait face à un cas de conscience. Dans quelle mesure avait-il grandi ? Il avait surtout l'odieux sentiment d'avoir perdu du temps. Des années entières. Six ans, au moins. Il avait passé le cap symbolique des dix-huit ans en comprenant que ce temps-là était perdu pour toujours. Qu'il ne le récupérera jamais, même s'il en crevait d'envie.
Raphaël se demandait alors s'il était vraiment devenu adulte. Si son père n'avait pas raison et s'il n'était pas resté un enfant. Quelque part, le temps s'était suspendu et avait enfermé Raphaël dans le passé, avant qu'il n'ait peur du noir, avant qu'il ne contemple le vide comme un désir inavouable.
Ce fut ce qui se joua dans l'esprit de Raphaël lorsque Casimir présenta un sous-entendu peu subtil à l'égard de Léandre. Il eut peur, il eut envie de nier, mais il n'en fit rien. Son ami ajouta, un peu plus bas :
— Elle en pense quoi, Nayla ?
Raphaël se redressa dans un sursaut. Son nez se retroussa et son visage se vida de toute émotion. Seule exception : une interrogation logée dans ses yeux qui sonnait comme un avertissement. Casimir avait tout intérêt à changer de sujet et vite. S'il n'était pas amateur de conflits, il n'était pas non plus connu pour son instinct de survie. Raphaël et lui avaient bien cela en commun.
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Adieu, demain
RomanceL'été, c'est cet instant où les erreurs sont permises. Léandre fait la rencontre d'un groupe d'amis dans un coin reculé de l'Ardèche. Coin suffisamment reculé pour l'éloigner de la présence nocive de ses parents, mais pas assez pour le débarrasse...