Chapitre 20

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[Wendy, rouge, orange et jaune]


Cette promesse était tout ce que Léandre aurait pu attendre. Tout ce qu'il avait espéré sans relâche de son entourage au Mans.

Il ne lui en avait pas fallu davantage pour se lancer sur le sentier à la suite de Raphaël. Avec prudence, certes, mais avec un tel allant que Casimir, qui fermait la marche, lui glissa :

— Tu devrais te ménager. Wendy n'a pas dû choisir un parcours compliqué, mais il ne faudrait pas t'épuiser dès le début. On en a pour un moment.

Léandre fut étonné de constater que Casimir mettait un point d'honneur à dispenser quelques conseils. Un ego qu'il ne se connaissait pas et qui devait se situer non loin d'une estime de lui inexistante, dicta à Léandre de jouer la carte de la fierté. Avait-il vraiment besoin de conseils avisés ? Il n'était pas un gamin à qui on ferait la leçon. Peut-être était-ce le traitement de faveur désagréable dont il avait souvent fait l'objet dès l'enfance, mais il trouva humiliant la manière inattendue dont Casimir le couvait.

Il se sent responsable de toi comme les adultes le sont des enfants.

Il avait l'impression qu'une petite voix s'attelait à lui rappeler que ses capacités n'égalaient pas celles des jeunes adultes de son âge.

Finalement, Léandre trébucha sur une racine glissante perfidement effacée par la végétation abondante. Il se rattrapa tant bien que mal sur ses pieds et Casimir, sans jugement aucun, lui signala :

— Ralentis un peu la cadence. On est encore sur le chemin, mais on va forcément tomber sur des endroits moins accessibles. Regarde sous tes pieds.

— L'intérêt, ce n'était pas de profiter de la vue ?

Faible répartie, jugea Léandre, à son propre égard. Pour l'heure, la végétation était trop dense pour admirer le village en contre-bas. Il n'y avait rien à contempler. Il suffisait de ressentir la fraîcheur bienvenue de la forêt et l'air pur qui décrassait ses poumons à chaque inspiration. La progression de Léandre était soutenue – sans doute plus pour faire ses preuves dans un réflexe puéril – et pas encore désagréable. Il marchait sans grand effort, en ménageant sa mauvaise jambe.

Il avait capté le regard que Raphaël avait jeté derrière son épaule en l'entendant glisser. Son empressement avait trahi son inquiétude, puis il s'était retourné en constatant que Léandre disposait encore de tous ses membres.

Sans un mot, sans rien du tout.

Frustré, Léandre aurait pu se gifler. Qu'attendait-il ? Ils avaient couché ensemble et, jusqu'à preuve du contraire, ils n'étaient pas mariés. Il ignorait quel rapport Raphaël entretenait avec ceux qui partageaient son lit. De ce que Léandre en constatait, son amant ne le fuyait pas comme la peste, n'évitait pas spécialement de se retrouver seul avec lui. En fait, à quelques détails près, il agissait comme s'il ne s'était rien produit. Il gardait prudemment ses distances et ne laissait entendre à personne qu'ils avaient franchi pour de bon la frontière de l'amitié.

Plus les heures s'écoulaient, moins Léandre se sentait capable de revenir à la relation qu'ils avaient laissé à l'entrée de la chambre d'hôtel. Moins la distance innocente que Raphaël établissait entre eux lui était supportable.

Et à quoi tu t'attendais exactement ? Une demande en mariage devant un coucher de soleil ? Pitié, éteins la télé et sors de ta chambre.

Adieu, demainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant