II - Jean Racine

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« L'on hait avec excès lorsque l'on hait un frère »
– Jean Racine


    S'habituer à son nouveau quotidien après le déménagement fut plus dure qu'il ne l'avait pensé. Déjà, Raphaël faillit louper son car presque tous les jours la semaine qui suivit : ici, son bus était plus tôt, pas son réveil. La deuxième chose qui l'avait perturbé plus que prévu était de cohabiter avec des gens qui lui étaient complètement inconnus et qui, en plus,avaient des habitudes et un mode de vie complètement différent du sien. Parce que, soyons honnête, Raphaël ne connaissait pas Marc plus que ça – c'est ce qui se passait lorsqu'on évitait presque systématiquement les sorties organisé justement pour qu'il apprenne à mieux connaître son beau-père... – et il avait vu Alexander pour la première fois le jour même de son emménagement. D'ailleurs, sur ce point, on ne pouvait pas dire que leur rencontre ait été des plus banale...
     Il lui avait foncé dedans, littéralement. L'adolescent avait alors rencontré ses yeux et les mots s'étaient soudainement échappés de son esprit – Raphaël ignorait que de tels yeux gris puissent exister. Puis il s'était souvenu de comment parler et ils s'étaient présentés. L'étudiant avait dit s'appeler Alexander et il le connaissait de nom, bien-sûr, mais le rencontrer et l'entendre se présenter lui-même avait fait de lui quelqu'un de bien réel, tout à coup. Quelqu'un avec qui il allait vivre à partir de maintenant.
    Pendant le repas du soir, Raphaël s'était très vite sentit gêné parce qu'Alexander connaissait bien plus sa mère que lui ne connaissait Marc et il avait donc dû se contenter de les écouter parler une grosse partie du repas, ce qui eu le don de l'ennuyer à mourir. Apparemment, le neveu de Marc n'avait pas séché la moitié des rencontre avec sa belle-mère, lui... De temps à autres, sentant un regard sur lui, l'adolescent tournait la tête. Ses yeux croisaient alors ceux d'Alexander et la lueur malicieuse qui y brillait, mélangée à cette franche observation qu'il faisait de lui, firent rater à son cœur plus d'un battement. Quoique son sourire n'était peut-être pas non plus totalement étranger à ce phénomène... Et après que la situation se soit répétée plusieurs fois, ses yeux bruns à nouveau plongés dans ceux gris de son vis à vis, Raphaël passa de la gêne à l'irritation. Mais qu'avait-il donc, celui-là, à l'observer sans cesse ? Il avait un problème avec lui ou bien ? Le lycéen lui jeta un regard noir, histoire de lui montrer son irritation mais l'étudiant se contenta de sourire un peu plus avant d'attraper son verre de vin rouge pour en boire une gorgée. Tellement élégant, tellement agaçant.

    -Tiens, au fait, vous ne vous étiez jamais vus tous les deux, si ?
    -Tu ne crois pas que tu t'y prend un peu tard pour ça, Marc ? les présentation sont déjà faites.
    -Vous vous êtes rencontrés à l'étage ?
    -Il m'est littéralement tombé dans les bras, déclara l'étudiant en souriant, apparemment fière de sa blague.

    Raphaël manqua de s'étouffer en entendant les paroles du brun, ce qui le fit évidemment rire. Bon sang, ce mec était insupportable.

    -Plus sérieusement, reprit Alexander en s'adressant enfin à lui, t'as quinze ans, c'est ça ?
    -Ouais. Et toi t'as...
    -Dix-neuf ans.
    -C'est ça, dix-neuf ans. Ils firent tous les deux comme s'il ne venait pas d'apprendre son âge à l'instant.
    -Et tu fais quoi dans la vie ?
    -Bac pro chaudronnerie. Et toi ? Tes études ?
    -Qui te dit que je fais des études ?
    -T'as une tête à faire des études. Sa remarque fit rire Alexander qui approuva néanmoins ses propos d'un signe de tête.
    -Droit et science politique, deuxième année. Raphaël lui jeta un regard horrifié. Je te jure que ce n'est pas aussi horrible que tu le crois.
     -Alex, le jour où cette merde aura l'air sympa, c'est pas des dents qu'elles auront les poules mais carrément une tête de dinosaure !

    Le rire d'Alexander résonna longtemps dans ses oreilles cette nuit-là, alors qu'il ne parvenait pas à s'endormir. Et, le lendemain, il n'avait pas entendu son réveille sonner et il était arrivé en retard en cours. Il ignorait ce qu'il en était pour les autres mais, à l'évidence, il faudrait à Raphaël un temps d'adaptation.

Le temps qu'il fautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant