XIX - Le couperet

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« Je reconnais que j'ai moi-même ressenti cette envie, l'envie de détruire, de donner libre cours à sa frustration » - Le couperet, Donald Westlack


     Alexander quitta lentement les brumes du sommeil pour rejoindre le monde réel. Comme toujours, il avait chaud. La couette qui le recouvrait était bien évidemment de trop mais il ne fit rien pour la rabattre au niveau de ses pieds : Raphaël, endormit dans ses bras, était plus frileux que lui et il ne voulait pas gêner son sommeil en le privant de sa couverture. L'étudiant passa de nombreuses minutes à ne rien faire, les yeux grands ouverts dans le noir, se concentrant simplement sur la chaleur qui l'entourait. Le corps de son petit-ami lové entre ses bras, son souffle qui s'échouait dans sa nuque et son cœur qui battait à un rythme régulier contre le sien. Il n'avait plus connu ça depuis un moment, c'était agréable.
     Il passa ses doigts dans la chevelure épaisse de son amant dans un élan de tendresse coutumier qui le prenait souvent et en particulier lors des moments calmes comme celui-ci. Il en profitait d'autant plus que tous les instants passés avec Raphaël depuis qu'il était rentré de chez son géniteur n'avaient pas été aussi paisibles...
     La première nuit avait été géniale. Alexander avait rarement vu l'adolescent aussi entreprenant et avide de lui, de son corps, d'eux deux ensemble et faisant l'amour. L'étudiant s'était endormit presque immédiatement après, fatigué par les deux horribles nuits passées chez son géniteur. C'est le lendemain que les choses s'étaient gâtées. D'avantage réveillé et attentif que le nuit précédente, Alexander ne put manquer les hématomes sur le corps de son petit-ami. Plusieurs hématomes ; beaucoup d'hématomes. Trop d'hématomes. Il avait posé des questions, bien-sûr, avait demandé des explications que Raphaël avait refusé de lui fournir. Il s'était agacé, avait insisté, et Raphaël était parti.
    Alexander avait oublié à quel point cela pouvait être douloureux de se disputer avec une personne que l'on aimait, surtout lorsque l'on était responsable de cette dispute. La colère et la culpabilité avaient envahi tour à tour ses veines, retourné son cerveau dans tous les sens, provoqué les foudres de Dory et l'avait obligé à révéler sa relation amoureuse à leurs potes de fac qui ne s'étaient pas gênés pour se moquer de lui – en particulier parce qu'il sortait avec un seconde et qu'il n'était même pas capable de le garder ; en étant honnête, l'étudiant pouvait comprendre, il aurait très certainement fait la même chose (même si c'était extrêmement réducteur) mais, sur le moment, ça l'avait surtout beaucoup agacé.
    Il avait dû attendre deux jours – deux jours ! – et l'annonce du retour de Neil par Sophia pour le lendemain soir pour que Raphaël ne revienne vers lui.
    Ils n'avaient pas beaucoup parlé, pas de leur dispute en tout cas. Raphaël avait été très câlin, très demandeur de tendresse et d'amour, et Alexander s'était contenté de lui donner tout ce qu'il voulait. Ça avait été un moment incroyablement doux mais aussi particulièrement douloureux parce qu'ils savaient tous les deux qu'ils n'étaient pas près de recommencer. Et ça, Alexander savait que c'était difficile à accepeter pour Raphaël, ça l'était aussi pour lui d'ailleurs. Deux jours. Ils avaient perdu deux précieux jours pour une histoire de merde, l'adolescent avait faillit en pleurer. À un moment, l'étudiant avait vraiment cru que son petit-ami allait s'effondrer, mais celui-ci s'était contenté de le serrer dans ses bras sans un mot. Et ils s'étaient endormis. Et puis, il en était là, à fixer le plafond.
    Alexander sentit le souffle de Raphaël se faire un peu moins régulier et son cœur battre un peu moins harmonieusement, puis il le vit papillonner des yeux et froncer les sourcils. Il lui embrassa longuement le front et la tempe pour l'aider à sortir plus vite du sommeil et faillit fondre lorsque son petit-ami ouvrit de petits yeux perdus. A-do-ra-ble, Raphaël était tout simplement adorable.

     -Bonjour Amour, chuchota l'étudiant en lui caressant délicatement la joue.

    Son amant lui répondit par un grognement plaintif qui fut partiellement étouffé lorsqu'il enfonça sa tête contre son torse. Alexander ricana silencieusement et se remit à lui caresser la nuque sans se départir de son sourire.

Le temps qu'il fautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant