LI - Coldplay

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« Got a tattoo said "together thru life"
Carved in your name with my pocket knife
And you wonder when you wake up
Will it be alright ? Oh oh oh, oh, oh
Feels like there's something broken inside

All I know
All I know
Is that I'm lost
Whenever you go
All I know
Is that I love you so
So much that it hurts »

Ink, Coldplay

(Je me suis fait un tatouage qui disait "ensemble pour la vie"
J'ai graver ton nom avec mon couteau de poche
Et quand tu te réveilles tu te demandes : est-ce que tout ira bien ?
L'impression qu'il y a quelque chose de briser à l'intérieur

Tout ce que je sais
Tout ce que je sais
C'est que je suis perdu
À chaque fois que tu t'en vas
Tout ce que je sais
C'est que je t'aime tellement,
Tellement que ça fait mal)



    Neil n'était pas rentré du weekend. C'était à peine s'il était resté quelques minutes le samedi après-midi pour prendre des affaires avant de disparaître – sans donner de date de retour, évidemment. Raphaël aurait pu en être sincèrement heureux si Alex n'avait pas choisi ce weekend précis pour s'absenter, lui-aussi. Bien-sûr, il ne lui en voulait pas et il le comprenait même : c'était la fin de ses partiels, il était en vacance... De quoi faire la fête, assurément. Et pas de quoi lui en vouloir. Objectivement. Mais même en essayant d'enfouir au plus profond de lui-même sa contrariété et sa rancœur, il ne pouvait s'empêcher d'être en colère contre son petit-ami – ce qui le mettait d'avantage en colère, bien-sûr. L'adolescent ne comprenait pas pourquoi il n'arrivait pas à étouffer ces sentiments horripilants. Et il ne comprenait pas non plus pourquoi Alex n'avait pas au moins passer son samedi après-midi avec lui. Ça faisait une éternité qu'ils n'avaient pas pu se voir seul à seul et, alors qu'ils en avaient enfin l'occasion, il préférait passer du temps avec son meilleur-ami qu'il voyait tous les jours ? C'était du foutage de gueule. Alors oui, il entendait que c'était prévu, que ça faisait longtemps qu'ils ne s'étaient pas vu en dehors des cours, qu'il avait vraiment envie de le voir... Il entendait tout ça, vraiment, mais, même avec tous les efforts et la meilleure volonté du monde, il n'arrivait pas à l'accepter. Et c'est pourquoi Raphaël avait passé tout son weekend à ruminer.
    L'adolescent n'était pas parvenu à se sortir cette histoire de la tête. Il avait eu beau essayer de penser à autre chose, de s'occuper de toutes les manières possibles et inimaginables, rien n'avait réussi à le faire arrêter de penser à son petit-ami et son absence. Il était passé par toutes la gammes d'émotion : rancune, agacement, colère, tristesse, hystérie, peur... L'adolescent ignorait ce qui avait bien pu se passer dans son cerveau pour qu'il en arrive à des pensées comme il en avait conçu et à des sentiments comme il en avait ressenti. Il était parti tellement loin dans son délire qu'il s'était mit à croire dure comme fer qu'Alex commençait à se lasser de lui et qu'il allait bientôt l'abandonner, qu'il le trouvait trop chiant et peureux à toujours venir chouiner dans ses bras. Il avait eu l'impression d'être une sous-merde, l'impression de faire quelque chose de mal alors qu'il savait pertinemment que ce n'était pas le cas. Il avait eu la sensation de ne compter pour personne, de n'être qu'un amas de merde que les gens faisaient tout pour éviter et râlaient quand, par inadvertance, ils marchaient dedans. Raphaël avait finit par passer son samedi soir entier à verser des larmes dans son lit jusqu'à ce que son oreiller en soit tremper. L'adolescent ne se souvenait pas d'avoir jamais pleuré comme ça dans sa vie, même quand son frère le frappait jusqu'à l'inconscience – à une ou deux exceptions près peut-être. Bref, il avait déconné.
    Il reconnaissait qu'il avait pété un câble, sérieusement, qui dans ce cas présent ne se serait pas rendu compte qu'il avait pété un câble ? Il avait complètement déconné, ses réactions avaient été abusives. En y repensant un peu plus objectivement le lendemain sous l'eau beaucoup trop chaude de la douche, Raphaël avait mit les choses au claire et déterminé ce qu'il avait le droit de ressentir, ce qui était normal, et ce qui était abusif. Être déçu était normal, être en colère était abusif. Être un peu triste était normal, compréhensible du moins (ça faisait longtemps qu'Alex et lui ne s'étaient pas vus dans un contexte de couple, après tout) ; être complètement désespéré était abusif. Penser que Dory comptait plus que lui pour Alex était compréhensible (il le voyait vraiment souvent), penser qu'Alex ne l'aimait pas et allait bientôt le quitter était abusif. Et il avait continué la liste jusqu'à ce qu'il ait analysé tous ses sentiments et moments de la journée et de la nuit précédente. Il ignorait si ça lui avait fait du mal ou du bien mais ça avait au moins eu le mérite de le ramener sur terre, de l'ancrer dans la réalité à nouveau.
    Son dimanche avait été beaucoup plus calme mais Raphaël n'était pas parvenu à se débarrasser de cette infinie tristesse, même blottit contre son petit-ami. Et il s'en était voulu pour ça aussi. Il avait l'impression de passer sa vie à déprimer en ce moment et ça ne lui plaisait pas, il valait mieux que ça, putain ! Mais il n'arrivait pas à être autrement, à ressentir autre chose. Ce n'était pourtant pas faute d'essayer, mais rien n'y faisait, comme hier mais à l'échelle de sa vie entière ces derniers mois. Il se sentait comme une corde tendue à l'extrême que le moindre pincement, le moindre frôlement faisait vibrer à outrance. L'expression « tendu comme un arc » prenait enfin tout son sens, et ce n'était pas vraiment agréable.
    Alex l'avait questionné longuement, lui demandant à de nombreuses reprises ce qui n'allait pas, s'il s'était passé quelque chose, s'il voulait lui en parler, qu'il pouvait lui en parler... Il avait utilisé des approches plus ou moins subtiles mais Raphaël l'avait vu venir à chaque fois à des kilomètres et il s'était obstiné à soutenir que tout allait bien. Il avait bien trop honte de ce qu'il avait ressenti pour en parler à son petit-ami et le visage inquiet de celui-ci n'avait fait qu'accroître sa culpabilité. Il avait prétexté avoir fait une nuit blanche et être seulement fatigué mais il avait bien vu que son copain ne l'avait pas cru. Alex avait été génial, comme d'habitude, à le réconforter, à le câliner, et lui, comme d'habitude, avait gâché la journée. C'était vraiment rageant.
    Maintenant, Raphaël espérait simplement que Neil n'allait pas rentré cette semaine, au moins les premiers jours, histoire qu'il puisse profiter un peu de son petit-ami. Si son frère n'était pas revenu demain, il séchait pour passer la journée avec son copain. Il ne savait pas encore comment il expliquerait ça à Marc mais il en avait clairement rien à foutre ; les journées avec Alex étaient trop précieuses pour qu'il en laisse s'échapper une encore une fois. Et puis, de toute façon, c'était bientôt la fin de l'année et il passerait tout le dernier mois en stage et donc même pas au lycée alors... Son beau-père lui pardonnerait bien cet écart – surtout que d'après ses dires, vu le nombre d'heures qu'Alex avait séché, Marc ne pouvait décemment pas lui tenir rancœur d'une toute petite journée.

Le temps qu'il fautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant