XVIII - Gringe

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« Il est le contre exemple parfait, si j'l'aime j'garde une part de méfiance, moi j'ai juste hérité de son nom, écrit sur un acte de naissance » - Gringe, Pièces Détachées


    Allongé sur le lit qu'il avait autrefois occupé, observant les murs blancs dénudés de tout apparat de ce qui fut un jour sa chambre, il vint à l'esprit d'Alexander que cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi seul. Le clavier qui était censé remplacer son piano était la seule trace qu'il avait habité ici, même si ce ne fut qu'une courte période de sa vie - qui lui avait semblé durer des éternités entières. Il ne se sentait pas à l'aise, comme un étranger ayant investi les appartements de quelqu'un autre. Il n'était pas chez lui, tout simplement.
    Il apporta la cigarette qu'il tenait entre ses doigts à ses lèvres pour tirer encore un peu dessus ; les cendres tombèrent dans le cendrier qu'il avait pris soin de poser sur la table de nuit. Il avait hésité à se rouler un joint avant de se souvenir qu'il avait laissé sa bheu chez lui justement pour ne pas en consommer pendant son séjour. Shit. Avec le recule, il se dirait très certainement qu'il avait eu là un bon réflexe, à l'heure actuelle, il se disait plutôt qu'il avait fait une belle connerie.
    La playlist de Sufjan Stevens allait plutôt bien avec son humeur, trouvait-il. Il avait les vinyles à la maison mais, ici, il avait dû se contenter de sa petite enceinte portative qu'il avait ramené. Les musiques étaient les mêmes, ça avait juste un peu moins de charme à ses yeux et, surtout, ça lui rappelait qu'il n'était pas chez lui, que ce n'était pas son oncle qui l'attendait dans le salon pour dîner mais bel et bien son géniteur - il refusait de penser à lui en tant que père -, et ça lui foutait le cafard.
    Il soupira et regarda sa cigarette s'égrainer dans le cendrier pendant quelques secondes avant de tirer dessus une nouvelle fois - la dernière - et d'écraser son mégot dans la petite coupole. En plus, il était arrivé au bout de sa playlist.
    Il saisit son téléphone à l'aveuglette, bougeant le moins possible, et mit toutes les musiques qu'il avait téléchargées (plus qu'il ne voulait en compter) en aléatoire. L'étudiant espérait qu'il netomberait pas sur du ACDC (un peu trop énergique) ou du Damien Saez (il n'était vraiment pas d'humeur). Nirvana. Hum. Pas tellement mieux. Il fit un effort pour appuyer sur le bouton passé afin de ne plus entendre les guitares saturées et il se sentit tout de suite mieux aux premières notes de Rivers flow in you de Yiruma.
    Alexander ferma les yeux pour pouvoir d'avantage profiter des notes qui s'écoulaient avec grâce dans ses oreilles. Il avait toujours adoré ce morceau qui, même s'il lui faisait penser à son ancien copain - ils avaient couché ensemble sur cette musique -, avait le don de l'apaiser. L'étudiant leva les mains et imagina un piano sur lequel il jouait. Cela avait beau faire un certain temps maintenant qu'il ne l'avait plus interpréter, ses doigts bougeaient tout seul sur le clavier imaginaire, connaissant par la cœur la mélodie qu'ils avaient tant de fois joué auparavant. Oui, c'était une belle musique. Dommage qu'elle soit gâchée par l'immonde de voix de Maxence, son foutu demi-frère dont le comportement reflétait la voix, lui hurlant qu'ils allaient passer à table.
    Alexander soupira, irrité, et prit tout son temps pour éteindre sa musique et descendre jusque dans la salle à manger. Il arriva calmement et s'assit à table sans se presser, l'expression neutre et l'air tranquille. L'air seulement. Il faisait bien-entendu exprès d'agir de cette manière - bien que, de toute façon, il avait naturellement un port royale et une manière d'agir très aristocratique et gracieuse et il le savait ; une beauté glaciale, à l'inverse de ce dont il s'efforçait de montrer au quotidien. Il paraissait qu'il tenait ça de sa mère.

    -J'ai mis le chauffage dans ta chambre pour que tu n'es pas froid.
    -Merci.

    C'était gentil mais... s'il le connaissait réellement, son géniteur saurait qu'il n'avait jamais froid et que le chauffage était souvent de trop pour lui - il avait d'ailleurs déjà réglé celui de sa chambre pour qu'il ne chauffe qu'un minimum. Marc, lui, le savait.

Le temps qu'il fautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant