Prologue

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Ce n'était pas la meilleure façon de me l'annoncer, mais c'est pourtant en cours que j'ai reçu un message de ma tante, le genre de message qu'on n'annonce pas un adolescent qui va sur ses quatorze ans et qui est déjà un peu rebelle.

Shun, oublie les cours, rentre à la maison. Ton père vient de rendre l'âme, Amara est dans un piteux état.

J'ai lu et relu ce message encore et encore, presque immobile, comme si je n'étais pas sûr du message que je venais de recevoir.

Comment peut-on dire à quelqu'un que la personne dont il est le plus proche est morte ?

Comment mon petit frère d'à peine cinq ans va subir l'absence subite d'un père ?

Trop de questions se bousculaient dans ma tête qui commençait doucement à chauffer.

J'ai sorti ma bouteille d'eau comme si c'était un bouclier anti-crise et je suis sorti de la classe sans rien dire en laissant toutes mes affaires sur ma table.

J'ai couru pour me diriger vers la sortie avant de me faire bloquer par la dame de l'accueil.

Pour le coup, ce n'était vraiment pas le moment, je lui ai montré le message et elle m'a directement laissé sortir en s'excusant un nombre incalculable de fois.

Sans attendre le bus, j'avais couru tête baissée en direction de ma maison pensant que je n'avais même pas pu lui dire au revoir et regrettant tous les moments où je n'avais pas été gentil avec lui.

En y repensant, c'était logique qu'il allât bientôt mourir, pourtant je préférais rester complètement dans le déni comme si ça n'allait jamais arriver, car on trouverait une « solution miraculeuse » bien avant.

Quand j'ai appris qu'il avait un cancer du poumon, mon cœur s'est littéralement brisé petit à petit en plusieurs morceaux.

Je faisais tout le temps des recherches sur comment guérir d'un cancer ou quel était le pourcentage pour qu'il survive.

J'étais littéralement perdu dans une bulle jusqu'à la phase de déni où je ne faisais que le provoquer pour qu'il me gronde comme à son habitude, en espérant de le voir aussi en forme qu'avant.

Je sais, j'étais vraiment stupide.

Lorsque j'ai vu qu'il devenait de plus en plus faible, j'ai arrêté toutes mes conneries pour devenir calme et gentil de sorte que je le rende fier et dans l'espoir qu'il reste assez longtemps, pour me voir devenir architecte comme il l'espérait.

J'avais essayé de me préparer à sa mort, mais je ne savais pas que ce serait aussi douloureux.

Je pensais que l'enterrement était la chose la plus dure – vu comment j'avais pleuré à ce moment-là – mais après la mort de mon père, le plus difficile était d'être la pour ma mère sachant qu'elle était encore plus brisée que moi et qu'il fallait que quelqu'un s'occupe de mon petit frère.

Ma tante l'avait gardé pendant un moment, mais elle ne pouvait pas le faire indéfiniment, laisser sa vie de côté pour ramener mon petit frère de l'école, jouer avec lui, vérifier si ma mère va bien et tout cela en négligeant ses enfants devenait dur pour elle.

Elle avait Wil – mon cousin – et ses deux petites sœurs dont elle s'occupait habituellement à cause de leur père qui travaillait beaucoup.

Même s'ils n'habitaient pas loin, on savait tous que ça commençait à devenir long, très long.

Ma mère est restée longtemps dans une phase où elle ne sortait pas de sa chambre pour pleurer encore et encore.

Même la nuit, je l'entendais pleurer et je devais me boucher les oreilles pour ne plus l'entendre.

Quand ma tante est partie, j'ai dû subir l'interrogatoire de mon petit frère et il faut vraiment en avoir un pour comprendre ce que ça fait d'être harcelé de questions quand on rentre de l'école épuisé, et que votre frère vient vers vous pour poser les mêmes questions.

Des questions auxquelles je n'avais pas de réponse à lui apporter.

Il est où papa ? Il revient quand ?

Pourquoi c'est notre tante qui s'occupe de moi ?

Pourquoi maman ne fait que pleurer ?

Des « pourquoi » encore et encore, tellement qu'il commençait à m'agacer et je commençais à en vouloir à ma mère de ne pas s'occuper de son fils.

Je commençais même à devenir de plus en plus agressif. Je voulais réveiller ma mère de sa transe tout simplement parce que je n'en pouvais plus.

Ça a un peu trop bien marché puisqu'elle a commencé à carrément me faire flipper.

Elle s'est levée un matin et a radicalement changé.

Elle a commencé à être douce, à préparer des dîners et à faire comme s'il ne s'était rien passé.

Je ne l'entendais plus pleurer la nuit, elle recommençait à cuisiner, faire le ménage et enfin s'occuper de l'éducation de son fils.

Elle s'est même chargée de lui dire que mon père était parti « au ciel », mais c'est comme si ma mère s'était transformée en robot.

Mon frère qui n'avait que cinq ans ne se doutait de rien et était même très content d'avoir « retrouvé » sa mère.

Mais moi ça me rendait fou, je me sentais tellement, mais tellement mal à l'aise.

C'est moi qui commençais à me cloîtrer dans ma chambre, à manger dehors pour ne pas assister aux nouveaux dîners de famille, à visiter la tombe de mon père quand je m'ennuyais et qu'il me manquait.

Ma vie était devenu pitoyable.

Non.

J'étais devenu pitoyable...

C'est à ce moment-là, à la pire période de ma vie que j'ai rencontré Ash...

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