12 - Quatre divorces pour un nid de guêpes

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— Belle couleur, commenta l’eunuque en passant le peigne dans les cheveux blonds de Louis. Très exotique.

Il le remercia par simple politesse. Ce n’était pas la première fois qu’on lui faisait la remarque. Dans la grande salle, les serviteurs allaient et venaient. Une jeune femme à la longue chevelure noire déposa une boîte à bijoux ouvragée, d’onyx rehaussé de nacre, sur la table devant Louis. Il lui trouva dans le visage la même rudesse déterminée que chez Zvetzdana.

Un instant, il hésita à demander où étaient ses frères, et s’ils allaient bien. Depuis qu’ils avaient quitté leur palais natal, en souverains conquis, Louis ne les avait pas revus. Zvetzdana avait passé son temps à le parader comme le butin de guerre qu’il était et il ne pouvait que la croire sur parole quand elle lui affirmait qu’ils allaient bien.

Avant qu’il ait pu ouvrir la bouche, l’eunuque poursuivit :

— J’espère que vous ferez plein de belles filles à la princesse. C’est son cinquième mariage, vous savez ?
— Et qu’est-il arrivé aux quatre premiers ? demanda Louis, la gorge serrée.

L’eunuque, qui s’affairait désormais à sortir les parures de bijoux de la boîte, hésita un instant. Il triturait entre ses doigts boudinés un bracelet de vermeil serti de rubis, qui rappelait à Louis celui qu’il portait depuis sa rencontre avec Zvetzdana. 

— Oh, il vaut mieux que vous ne vous tracassiez pas avec cela.
— Que leur est-il arrivé ? demanda-t-il de nouveau, plus ferme.

L’eunuque dansait d’un pied à l’autre. Il passa un collier autour du cou de Louis, puis installa la tiare au sommet de sa tête. Des gouttes de jaspe en tombaient, recouvrant ses cheveux d’une rosée couleur de sang.

— Eh bien, ils n’ont pas su donner de fille à la princesse. Alors elle a tranché les liens de leur union. (Devinant que Louis n’était pas au fait de leurs traditions, il précisa :) Elle a dévoré leur coeur.

Louis fit de son mieux pour dissimuler son trouble. Il ne devait pas se laisser emporter par la peur, mais raisonner. Ici, il était seul. Pire, ses ennemies l’entouraient de toutes parts. Mais il savait aussi que Zvetzdana ne s’entendait pas avec ses sœurs, que chacune convoitait le trône et qu’elles ne reculaient devant rien pour y parvenir. Il pourrait toujours essayer de jouer de ces dissensions intestines, mais il n’aurait que neuf mois à compter du début de la grossesse de Zvetzdana pour arriver à ses fins. Il n’avait pas le droit à l’erreur.

— Tout à fait entre nous, confia l’eunuque à mi-voix, dépêchez-vous de lui faire un petit bébé. Parce que sinon, les autres princesses, elles vont vouloir vous…

De la main, il mima une lame passant sur son cou. Au même moment, la servante qui avait apporté la boîte à bijoux reparut et échangea quelques mots avec l’eunuque, dans la langue locale. Louis n’en comprit rien, mais reconnut dans la conversation le nom que Zvetzdana lui avait donné : Drago.

La servante lui fit signe de la suivre, il s’exécuta. Elle le guida jusqu’aux jardins, où une immense foule guettait son arrivée. Au bout de la haie humaine que l’assemblée formait pour lui laisser le passage, l’attendaient Zvetzdana et une prêtresse au visage parcheminé.

Louis inspira à fond puis s’avança. Il sortirait de cet enfer. Ce n’était qu’une question de temps.

Neuf mois. Deux cent soixante-quinze jours.

Writober 2022 : TélécrépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant