31 - Les douze coups de minuit

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Cendrillon servit le thé à ses deux sœurs et à sa belle-mère, puis se tourna pour remettre une bûche dans l'âtre. Elle avait déposé la missive que le courrier avait amené pour les trois femmes de la famille juste à côté du sucrier, sans un mot, comme toujours. C'était la seule lettre qu'elles avaient reçu aujourd'hui et l'enveloppe portait le sceau royal. Evidemment, les deux filles et leur mère se précipitèrent dessus pour l'ouvrir. Cendrillon, elle, attisait et éventait les braises. Il ne faisait pas si froid dans le petit salon, mais la marâtre aimait la chaleur et Cendrillon avait elle aussi très envie de savoir ce que contenait le pli. Elle n'arrivait toujours pas à croire qu'elle avait pu entrer dans le palais et danser avec le prince en personne. Depuis, chaque soir, elle était réveillé à minuit par les douze carillons, et se rendormait le sourire aux lèvres.

La belle-mère le lut en premier et, sans un mot, sortit de la pièce, le visage déformé par la rage. Ses filles, loin de s'en préoccuper, s'emparèrent de la lettre.

— Quoi, la princesse du Weitestein ? s'écria la cadette. Mais elle a des pieds comme des péniches ! Pourquoi ce serait elle que le prince épouserait ?

L'aînée, plus résignée, se contenta de s'avachir sur sa chaise et de se venger sur les petits gâteaux servis avec le thé.

— Que tu es naïve, ma pauvre sœur. Il n'allait évidemment pas épouser la première venue parce qu'il la trouvait à son goût. Le mariage a dû être arrangé depuis longtemps avec cette Berthe aux grands pieds pour former une alliance avec son royaume et le bal n'était qu'un peu de poudre aux yeux pour amuser les nobles. C'est ainsi que vont les choses.

— Tu dis ça comme si tu n'y avais jamais cru, mais je te rappelle que toi aussi, tu t'es coupé le pied pour rentrer dans cette maudite pantoufle de vair !

— Il est bien permis de rêver, non ? Mais il faut aussi se réveiller un jour.

— Tu as raison. Et puis, il n'y avait pas que le prince, à ce bal. J'ai pu danser avec un duc qui m'avait l'air très convenable. Il faudra que j'en parle à Mère.

— Oui, mais attendons qu'elle se calme.

Elles continuèrent à siroter leur thé en discutant des autres bons partis croisés à la fête. Cendrillon, après avoir balayé autour de l'âtre, sortit de la pièce. Ses demi-soeurs pourraient encore se marier, elles, mais Cendrillon ne se faisait pas d'illusions. Jamais sa belle-mère ne la laisserait sortir de ses griffes et risquer qu'elle déniche un mariage plus avantageux que sa progéniture. Elle était condamnée à la servir pour toujours.

Le soir venu, comme de coutume, elle ouvrit les yeux aux douze coups de minuit. Les cloches du palais sonnaient jusqu'au manoir, portées par les plaines nues. Au lieu de se rendormir, Cendrillon se leva et se pencha à la fenêtre pour essayer d'apercevoir le château. Elle se pencha, se pencha, se pencha et ne se rendit compte qu'elle avait basculé que quand son regard se trouva plongé dans les étoiles.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 31, 2022 ⏰

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