Elle prenait maintes formes, la succube inéluctable, vile tentatrice aux habits de lumière bleue, belle comme un rêve de pierre, quand elle venait danser sous ses yeux, lui promettant monts et merveilles.
À ses poignets cliquetaient bracelets et breloques, de l'or, de l'argent, du cristal ; à ses oreilles, des pierres de toutes les couleurs de l'arc en ciel, à son cou des perles en cascades. Swarovski, Sauer, Milamore, et tant d'autres à la faveur des rédactrices de Vogue faisaient pleuvoir sur ses chairs virtuelles joyaux et gemmes, des modèles uniques taillés directement dans la fibre du rêve, aux breloques en toc qui donnaient illusion.
Ceux qui la parfumaient s'appelaient Christian, Nina, Jean-Paul ou Yves. Ils la drapaient de vanille, pomme, poire, bergamote, rose, ylang-ylang, s'accordaient à son humeur et à ses envies. D'un jour sur l'autre, elle se faisait fatale en se baignant d'ambre et de patchouli ou bien ingénue, la tête couronnée de fleurs blanches et de cerisier, ou encore gourmande, à croquer dans son nuage d'abricot, myrtilles, noisettes et cacao.
Elle portait, sur son visage à la peau entretenue par multitude de soins, crèmes, sérums et autres gommages, le masque coloré de la perfection. Natasha Denona aux paupières, Guerlain pour une touche de poudre bonne mine, quelques paillettes d'highlighter par Fenty sans oublier Huda au bord des lèvres, elle savait se rendre irrésistible. Dans un savant mélange d'une vingtaine de produits, elle atteignait le visage rêvé, d'un absolu naturel et pourtant irréel de beauté.
Un tel corps n'aurait su rester nu. À chaque occasion, sa tenue, qui mettait en avant comme nul autre la richesse de sa personnalité, et chacune avait son allié. Pour tous les jours, de Shein à Zara en passant par Kiabi, toutes les portes s'ouvraient, à des prix défiant toute concurrence, le tout sublimé par un article de luxe, une mignardise de rêve dans la fadeur du quotidien, car il faut savoir prendre soin de soi, se chouchouter et se faire plaisir. Sinon, à quoi bon vivre ? Valentino, Versace ou bien Balenciaga savaient offrir de quoi la ravir, sous la forme d'une paire de bottines, un sac ou une écharpe. Ni la chambre, ni le sport n'étaient en reste : la séduction et l'effort ne se laissent pas aller, au contraire, elles savaient toujours charmer, en lingerie de dentelle ou en legging.
Pour parfaire le tableau, il fallait aussi prendre soin de l'intérieur. Pilules et gommes pour faire le plein de vitamines, bronzer, faire briller les cheveux, la peau, dormir mieux pour se réveiller fraîche et dispose, égaliser l'humeur, apaiser la digestion et ses bruits disgracieux, collagène pour éviter les rides, café vert pour brûler la graisse.
Ainsi parée, elle lançait ses filets à la recherche de ses victimes. De sa voix douce, elle leur contait des vies de merveilles, où beauté et admiration se promenaient main dans la main, où l'être aimé, Adonis parmi les Adonis, se prosternait à vos pieds, où toutes les femmes vous jalousaient, où le bonheur venait vous chercher sans que vous ayez à le poursuivre.
Il faut souffrir pour être belle, dit le dicton. Comme il se trompe : pour être belle, il faut acheter.
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Writober 2022 : Télécrépuscule
Horror31 jours, 31 thèmes créés par @Myfanwi "L'Enfer est vide, tous les démons sont ici" - William Shakespeare, La Tempête