« ... chaque jour où nous sommes tuées, violentées, suivies, maltraitées, chaque fois qu'ils nous manquent de respect est un coup de poignard supplémentaires non à l'individu mais à notre sexe tout entier.
Mes sœurs, il est temps que nous cessions de nous écraser. Puisque la raison n'aboutit à rien, il ne nous reste que leur arme, la violence. Nous savons que beaucoup désapprouverons, car nous avons été formées à courber l'échine dès l'instant de notre naissance, et nous plus que tout autre savons à quel point il est difficile de s'extraire de ce cycle infernal. Mais restez et voyez. Le temps nous donnera raison.
Les grands maux demandent de grands remèdes.
Ceci est notre manifeste. »
Le point final tapé, elle enregistra le fichier sur la clé USB et éteignit l'ordinateur. Les réserves d'électricité étant limitées, elle ne pouvait se permettre d'en utiliser plus que le strict nécessaire. Dès que possible, elle descendrait vers la ville, où se trouvait le cyber café, et diffuserait son message au plus grand nombre.
Elle s'étira puis, pour se dégourdir un peu les jambes, partit faire le tour de la Sororité. Pour l'instant, elles n'étaient que cinq à vivre là, mais bientôt, beaucoup plus les rejoindraient, elle en était certaine. Plusieurs cabanes étaient déjà construites et d'autres verraient le jour. Petit à petit, au cœur des bois, protégée par la nature, leur communauté prospererait loin de la présence délétère des hommes. Elle avait mis beaucoup de temps, comme la plupart des autres femmes de la communauté, à comprendre qu'ils n'étaient qu'une espèce inutile, et que, conscients de leur peu d'importance dans l'ordre des choses, ils martyrisaient celles qu'ils percevaient à raison comme bien plus puissantes. Ils envahissaient chacun de leurs espaces et les montaient les unes contre les autres, dans le but de les briser, de les empêcher de s'organiser pour renverser l'ordre des choses.
Longtemps, elle avait fait preuve de patience, d'indulgence, même. Un jour, elle avait dû se rendre à l'évidence : rien ne changeraient jamais, la gent masculine était pourrie jusque dans ses racines, il fallait la détruire. Le déclic était venu de la conférence de la Dr.Evelina Blomqvist, généticienne, qui, lors d'une conférence, avait annoncé que la parthénogénèse humaine serait possible au plus tard en 2030. Toutes ses réserves s'étaient alors envolées. La purge pouvait commencer.
Comme le soleil frappait, les membres de la Sororité s'étaient retranchées dans les cabanes en attendant que la chaleur retombe. Elle les y rejoignit, saluant chacune à son tour. Une s'occupait de repriser les vêtements abimés, deux autres revoyaient le tracé du potager, qu'il faudrait mettre en place au plus tôt. La dernière, enfin, s'occupait de la partie la plus cruciale de leur plan.
Quand elle vit que sa comparse observait par-dessus son épaule, elle recula pour la laisser admirer son œuvre. Sur le côté du bureau, se trouvait un carton dans lequel serait placé ce petit bijou, adressé au Traveller's Club. Elle sourit. Comme elle avait hâte de voir ce magnifique feu d'artifice, le premier de beaucoup d'autres.
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Writober 2022 : Télécrépuscule
Horror31 jours, 31 thèmes créés par @Myfanwi "L'Enfer est vide, tous les démons sont ici" - William Shakespeare, La Tempête