Le choix

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27 Février 3019 du Troisième Âge - Dol Amroth (Baie de Belfalas)

Imrahil, prince de Dol Amroth, un des seigneurs les plus puissants et respectés du Gondor, avait écouté avec attention les explications de sa fille : Amarïe.

La jeune femme aux cheveux de feu se tenait à présent devant lui et attendait qu'il parle à son tour.
Elle avait demandé à ce que ses frères soient également présents.

Elphir était le fils aîné d'Imrahil, l'héritier du trône de Dol Amroth et commandant en chef de son armée. Du haut de ses trente deux ans, il était de trois ans l'aîné d'Erchirion, capitaine des archers, et de six années plus âgé qu'Amrothos, son second. La plus jeune des enfants du seigneur de la Citadelle de la Mer, âgée de vingt quatre ans, était Amarïe. Sa seule et unique fille, capitaine de près de cent cavaliers qui n'avaient rien à envier a ceux du Rohan.

La guerre, comme ses frères, elle ne l'avait jamais subi ni vécu. Bien sûr, ils avaient essuyé des attaques, avaient été préparés à son éventualité et suivi une instruction militaire rigoureuse et ce dès leur plus jeune âge. Et qu'elle soit une fille n'y avait rien changé.

Défendre leurs terres, leur peuple, était pour chacun une priorité et ils étaient prêts à donner leur vie pour protéger le Gondor.

Et maintenant ils savaient que, bientôt, ils seraient appelés pour défendre Minas Tirith, car la guerre était inévitable : l'ultime bataille qui opposerait les hommes au seigneur des ténèbres, serviteur de Morgoth.

Cette nuit-là, Amarïe avait fait un rêve prémonitoire, comme elle en avait déjà fait. Elle avait vu ce qui les menaçait : le siège de Minas Tirith par des milliers d'orcs, d'huruk-hai, de wargs, de pirates d'Umbar, d'hommes du sud... La défaite, la citadelle blanche à feux et à sang, des milliers de morts... L'arbre du Gondor en feu... Les ténèbres... La fin des hommes et de la liberté.
Puis elle l'avait aperçu, cette petite lueur, bien que difficilement perceptible mais pourtant bien présente. A l'horizon, à l'ouest, une lueur donnant sur de vastes plaines à l'herbe grâce : l'espoir. Le Rohan.
Puis, à nouveau, les ténèbres. Et la main blanche de Saroumane.

En se réveillant ce matin-là, Amarïe n'avait qu'une certitude : le Rohan et le Gondor allaient être attaqués. Et si le Rohan venait à tomber, rien ne pourrait sauver le Gondor et la Terre du Milieu.
Seuls, Theoden et Denethor II ne pouvaient faire face. Ensemble, ils avaient une chance, infime certes, mais ils devaient essayer.

Imrahil et ses frères savaient qu'Amarïe avait un don de prescience, héritage de l'ascendance elfique de leur famille. Ils savaient que ce qu'elle avait vu avait de grandes chances de se produire s'ils ne faisaient rien.
Pourtant le seigneur de Dol Amroth ne parvenait pas à prendre une décision. Sa raison lui ordonnait d'accepter de laisser partir sa fille mais son cœur lui criait de refuser : car il avait l'étrange impression que, s'il la laissait passer les portes de la citadelle de la mer, il ne l'y reverrait plus.

- Penses-tu réellement qu'envoyer une centaine de nos hommes changera quoique ce soit au destin de Theoden et des siens, parla enfin Imrahil.
- Je n'en sais rien, avoua la jeune femme avec sincérité. Mais je suis certaine que, si nous ne faisons rien, le Rohan tombera et, avec, le Gondor. Je connais mes hommes, il y a un espoir, infime certes, mais il existe père.

Imrahil soupira puis reporta son regard sur son aîné.

- Je n'ai pas envie de voir ma sœur quitter la cité, ajouta Elphir. Cependant je suis d'accord avec Amarïe et je ne doute pas de la qualité et de la fidélité de ses hommes ni de leur adresse au combat.
- Peut-être que sans nos hommes le Rohan est voué à tomber, mais chaque homme compte et peut faire la différence, poursuivit Erchirion.

Amrothos resta silencieux mais lorsque son père reporta son attention sur son second fils, ce dernier ne put qu'acquiescer les paroles de ses frères et de sa sœur.
Il était évident qu'ils avaient peu de chance de faire la différence. Mais ne rien faire ne ferait que repousser leur chute. Les destins du Rohan et du Gondor étaient liés depuis le serment qu'Eorl le Jeune avait prêté devant Cirion, intendant du Gondor en l'an 2510 du Troisième Âgé.

- C'est entendu, s'exclama enfin le seigneur de Dol Amroth. Quand prévois-tu de quitter la cité ?
- Dès que nous serons prêts, répondit Amarïe. Cette après-midi au plus tard, j'ai l'étrange impression qu'il faut nous hâter.

*****
Quelques heures plus tard, les cavaliers de Dol Amroth étaient en selle, prêts à quitter la cité sans savoir s'ils en fouleraient à nouveau les ruelles.
Leurs armures argentées brillaient sous les quelques rayons de soleil qui perçaient à travers les nuages. Les bannières de la Citadelle de la Mer claquaient sous la force du vent.

Amarïe se tenait devant son père et ses frères. Elle partagea une accolade fraternelle avec chacun de ses aînés, écoutant leurs derniers conseils et encouragements.
Nul ne savait s'ils se reverraient un jour. Peut-être était-ce des adieux. Alors elle profita de chaque étreinte pour graver dans son esprit la chaleur de l'amour qu'ils se vouaient les uns les autres.
Enfin, la jeune femme se tourna vers son père. Imrahil ne parvenait pas à cacher sa crainte de voir sa plus jeune enfant partir au combat alors que lui ne pouvait l'y accompagner. Il ne pourrait pas la protéger, ni la conseiller.

Amarïe était comme lui : fière, fidèle, courageuse, réfléchie. Il savait qu'il pouvait placer en elle toute sa confiance. Mais ils ignoraient l'ampleur du danger qui menaçait le Rohan. Saroumane était puissant, et sa puissance était désormais au service du seigneur des ténèbres.

- Sois prudente Amarïe, demanda le prince.
- Je le serais père, acquiesça son enfant. Nous prouverons la valeur de notre peuple et reviendrons victorieux, ne vous en faites pas.

Imrahil prit alors sa fille dans ses bras et la jeune femme ne put que répondre à l'étreinte de son père.

- La victoire m'importe peu si elle est au détriment de ta sécurité, murmura l'homme. Reste sur tes gardes, il existe peu de personnes de confiance en ce monde.

Amarïe acquiesça silencieusement avant de resserrer son étreinte l'espace de quelques secondes supplémentaires.
Lorsqu'ils vinrent à se séparer, elle sourit une dernière fois à sa famille avant de s'approcher de sa monture : un grand étalon noir aux crins lavés. Avec souplesse, la princesse, et capitaine de la cavalerie de Dol Amroth, se mit en selle. Du haut de sa monture, vêtue de son armure, elle resplendissait de la lumière que l'on prêtait aux eldar. Quiconque aurait posé son regard sur la femme aux cheveux de feu n'aurait pu ignorer son ascendance elfique.

- Portez fièrement la bannière et les valeurs de notre cité et du Gondor, s'exclama maritalement Imrahil. Hommes de Dol Amroth, revenez victorieux !

Amarïe adressa un dernier regard à son père puis, d'une pression de jambes, élança sa monture au trot dans les ruelles de la cité, rapidement suivie par son second et la centaine de cavaliers qui composaient la cavalerie de Dol Amroth.
Aux fenêtres et aux portes, les habitants observèrent la cavalerie parcourir la cité jusqu'à ce qu'ils en passent les portes.

Ils prirent au Nord et longèrent la baie de Belfalas jusqu'à Edhellond où ils traversèrent le fleuve de Morthond pour ensuite poursuivre vers l'ouest. Ils prévoyaient de bivouaquer entre la rive ouest du fleuve et les premières hauteurs qui composaient les montagnes de Pinnath Gelin.
Le lendemain, ils devraient longer la chaîne de montagne par le Nord pour espérer atteindre le Lefnui avant le crépuscule. Ils devraient ensuite poursuivre vers le Nord pour traverser entre les Montagnes Blanches et le Ras Morthil pour enfin atteindre la Trouée du Rohan. Si tout se déroulait sans encombre, le Gouffre de Helm se présenterait devant eux peu avant le crépuscule de leur quatrième jour de périple.

Ensuite, Amarïe ignorait ce qui les attendraient au Rohan, mais elle était prête à faire face au danger et à affronter l'ennemi, peu importe sa forme.

Il leur faudrait cependant être prudents, notamment lorsqu'ils arriveraient à proximité de l'Isen et d'Orthanc, territoire sous la constante surveillance de Saroumane.

L'étoile de Belfalas - EomerXOCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant