Chapitre 9

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Une vague de chaleur envahit le torse de Lachlan. Il eut beaucoup de mal à empêcher ses lèvres de s'étirer de soulagement. Dieu soit loué, elle ne serait plus isolée des commodités du village ! Et puis, d'un point de vue plus rationnel, il préférait que la guérisseuse du clan soit à proximité du château afin de pouvoir intervenir dès que nécessaire.

— C'est une bonne nouvelle, énonça calmement Lachlan pour masquer sa satisfaction. Tu es déjà prête à partir ?

— Oh heu... aye, il y a quelques malles dans le salon avec mes plantes et j'ai préparé un sac.

— Seulement un sac ?

— Je préfère revenir chercher des affaires plus tard.

Comme Lachlan était sur le point de protester, Guillaume pointa l'entrée d'un doigt.

— Si vous le souhaitez, dame Catriona, nous pouvons nous charger des premières malles en rentrant.

— C'est fort aimable de votre part. Mais je ne suis pas une dame, messire de la Vallière.

— Peut-être que pour moi vous l'êtes, dame Catriona, répondit-il avec un air énigmatique. Mais appelez-moi Guillaume.

— Allez biens, le rappela à l'ordre Darren en attrapant son bras.

Catriona capta le regard agacé de Lachlan. Un regard agacé, mais surtout exténué. Elle allait le questionner à ce sujet lorsqu'il la devança :

— Pourquoi ne veux-tu pas déplacer l'ensemble de tes affaires maintenant ?

— Lach...

— Réponds-moi, Cat. Comment pourrais-je te comprendre si tu ne m'expliques pas ?

Il n'avait pas tort. Si ça lui semblait évident à elle, ce n'était sans doute pas son cas.

— Je ne veux pas avoir trop d'espoir. J'ai... je me suis réjouie de la mort de Logan parce que je retrouvais mon indépendance et en venant à Dun Ringill, je prends le risque de la perdre. La décision a été très difficile à prendre, mais je pense que c'est le mieux à faire pour mon fils. Par contre, conserver une issue me rassure. J'espère que tu comprends...

Lachlan hocha la tête, les lèvres pincées. Il s'en voulait de ne pas y avoir pensé. Cette journée commençait vraiment mal ! Il allait vraiment falloir qu'il trouve un moyen de dormir, ne serait-ce qu'un peu.

Guillaume et Darren ressortirent de la maison, deux grandes malles empilées l'une sur l'autre entre les mains, chacun à un bout. Lachlan les regarda s'éloigner sans remarquer que Catriona étudiait ses traits avec attention.

— Tu as l'air fatigué, constata-t-elle.

Il tourna la tête dans sa direction.

— Si seulement ce n'était qu'une impression. Je n'ai presque pas dormi depuis plusieurs mois. Toutes mes nuits sont entrecoupées de cauchemars. J'en viens à craindre de fermer l'œil.

Catriona fronça les sourcils au fil de son explication. Ce n'était pas si surprenant qu'il soit lunatique s'il ne dormait plus depuis des mois. Avait-elle préparé la fiole qu'elle donnait à son père pour l'aidait à s'endormir malgré ses douleurs ? Peut-être lui en restait-il une qui, en plus, n'était pas dans les malles que les deux hommes avaient déjà embarquées.

Elle s'empressa d'aller vérifier. Hallelujah ! Il y en avait bien une, dans le panier des décoctions qu'elle voulait aller remettre au village. Connor aurait bien assez de produit le temps qu'elle en refasse. Ce ne serait pas si long. Et puis l'accoutumance n'était pas saine.

La jeune femme revint, la fiole en verre entre les mains.

— Tiens, dit-elle en la lui tendant. Tu peux boire quelques gouttes de ce remède le soir avant d'aller te coucher. Ça devrait t'aider à avoir un sommeil sans rêves et à t'endormir. Par contre, prends garde, évite de l'utiliser en continu, tu risquerais de ne plus pouvoir t'en passer.

Lachlan accepta le potion avec une moue sceptique. Renoncer à ses souvenirs plutôt que de les combattre était-il vraiment une bonne solution ? Il avait quelques doutes. Mais en même temps, il avait conscience que s'obstiner à veiller pour les éviter n'avait rien de plus équilibré. Il allait se reconstituer des forces, puis il verrait quoi faire.

— Merci. Es-tu sûre que cela va suffire à combattre mes démons ? Ils sont peut-être bien plus ancrés que tu ne le crois.

— Je pense que tout traumatisme nécessite un combat, plus ou moins long, mais ce n'est pas pour autant que tu dois accepter les tourments qu'il t'impose.

— Je... commença-t-il avant de s'interrompre.

Quel argument pourrait-il fournir ? Catriona avait raison. Il esquissa un sourire en glissant le remède dans un espace de son tartan. Il ne lui restait plus qu'à l'aider à déplacer ses biens jusqu'à Dun Ringill et ensuite il irait faire une sieste. Juste ce qu'il lui faudrait pour récupérer et retrouver des idées claires.

Lachlan relut pour la énième fois les lignes qui noircissaient la page froissée. Il aurait tant aimé que Darren se soit trompé. Pourtant les registres ne mentaient pas : l'ancien laird MacKinnon avait payé une tierce personne de façon régulière ces dernières années. Presque une fois tous les trimestres s'il devait apporter de la précision.

— Comment est-ce possible que personne ne s'en soit rendu compte ? demanda le highlander en se laissant aller dans son fauteuil.

— Keir était forcément dans le coup, assura Craig avec un air dégouté.

Ils étaient tous les quatre réunis dans le cabinet de travail du laird, l'esprit en ébullition. Les preuves accablaient Douglas, mais à présent qu'il était exilé à Mull, s'il devait y avoir des conséquence, ce serait au clan entier de les payer.

— Que comptes-tu faire ? demanda Guillaume, un pli soucieux entre les sourcils.

Quelle bonne question ! Son cerveau enfin reposé tournait à plein régime pour écumer toutes les solutions possibles et imaginables. Une seule se distinguait des autres, aussi risquée que stratégique.

— Absolument rien.

— Rien ? répéta Darren, perplexe. Tu ne préfères pas envoyer quelqu'un torturer un peu les anciennes plaies qui régentaient le clan ?

— Non, je préfère les savoir loin de moi. Ils n'ont aucune idée de ce qu'il se passe ici et ils doivent être impatients que nous ayons à payer leurs frasques. C'est hors de question que je leur donne ce qu'ils désirent !

Le regard de Craig ne le quittait pas un instant. Il cherchait à lire au fond de lui l'objectif réel de son plan. Comptait-il vraiment ne rien faire ? Des lairds plus sanguinaires auraient déjà envoyé chercher Douglas et Keir pour planter leur têtes sur des piquets. Non pas qu'il apprécie l'idée, Craig n'avait pas le goût des spectacles sanglants. Puisque personne ne disait rien, il se permit de formuler sa pensée :

— Mais en quoi ne rien faire va empêcher les conséquences de ces paiements ?

— Tout débiteur veut recevoir sa somme, d'une façon ou d'une autre. Si elle n'arrive pas, il se manifestera.

— Donc tu veux les avoir à leur propre jeu, comprit Darren. Astucieux.

— Je vais pousser le destinataire de ces biens à venir à nous. Quand il saura que ce n'est plus le même laird, il ne fera pas de proposition directe. Il tentera d'obtenir une emprise sur notre clan. Par la menace ou peut-être d'une manière beaucoup plus pernicieuse. Nous serons prêts et nous allons même aider la nouvelle à se répandre.

— Veux-tu tout de même que nous menions notre enquête ? l'interrogea Guillaume, visiblement convaincu par son plan.

— Oui, essayez de trouver quelques informations qui pourraient nous être utiles. Mais ne poussez personne à parler, les rumeurs se meuvent aussi vite qu'une trainée de poudre. Je veux que nous ne soyons que quatre à connaître la nature du problème.

Tous trois acquiescèrent. Finalement, l'idée était plutôt excellente. Si vous ne nourrissez plus un loup, il sortira de sa tanière pour trouver lui même ses proies.

Lachlan aspirait exactement à ça : découvrir l'identité du loup.

L'héritage des Highlands - Tome 1 : Lachlan MacKinnonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant