Le mois de septembre était la période idéale pour visiter Bercelune. Il y faisait bon, les hordes de touristes avaient quitté la ville. Paul avait offert un week-end à l'étranger à Nine et Antoine, ainsi qu'à Leila. Il serait lui-même absent, en déplacement à Lundres pour le compte de sa société. Dès lors, la présence de leur bonne à Sâvres devenait inutile. Les écoles des enfants copiaient le fonctionnement de la fac ; leur rentrée aurait lieu en octobre.
Ils étaient réticents à l'idée de passer ce qui leur restait de vacances avec Leila. Antoine et Nine n'avaient pas eu d'autre choix que d'accepter. Paul leur avait objecté qu'ils étaient partis un mois et demi chacun avec leurs amis, respectivement au Japon et en Indonésie, en Corée du Sud et en Thaïlande. Tous frais payés par leur père.
Il leur avait laissé le jet privé de la compagnie, préférant prendre l'Eurostar, afin d'éviter de perdre dutemps à Heathrow.
Antoine reçut un message de Dimitris : « Ecoute, mec, je pense que Lucie a une influence néfaste sur toi. Elle a mauvaise réputation. T'as changé d'attitude. On te voit de moins en moins, aux fêtes. C'est la 3e fois de suite que t'annules le tennis, qu'est-ce qui t'arrive ? Tu m'as donné des vieux prétextes, mais si c'est juste pour passer plus de temps avec Lucie, ça craint. Tu pourrais être honnête. » Le sms resta sans réponse. Son meilleur ami avait du toupet, pour s'immiscer ainsi. Et puis, c'est lui qui avait permis leur rencontre. Elle était présente à certaines de ses soirées, c'est donc qu'elle n'avait pas si mauvaise réputation que ce qu'il prétendait ?
Pour la première fois de sa vie, Leila voyageait dans des conditions luxueuses. Elle était déjà allée à Bercelune avec des amis, elle avait hâte d'y retourner et d'observer les changements qui s'était opérés dans la ville – s'il y en avait eu.
Elle avait suivi les instructions d'Antoine et Nine quant au choix de l'hôtel. Ils avaient leurs habitudes au Palace, dans le quartier d'Exemple. Cet hôtel 5 étoiles portait son nom à merveille. Il proposait des prestations incroyables : piscine sur le toit de l'hôtel, entouré d'un jardin luxuriant, avec vue sur la ville, spa, restaurant étoilé, room-service rapide. De quoi mener une vie de nabab.
Leila fut décontenancée par le restaurant de l'hôtel. Elle s'était renseignée au préalable sur les différents couverts, la manière dont elle devrait les disposer dans l'assiette pour signifier qu'elle avait fini de manger, et que le personnel pouvait venir la débarrasser. Il était d'usage de les utiliser de l'extérieur vers l'intérieur de l'assiette.
Elle se sentait gauche dans cet endroit. Comme si elle n'y avait pas sa place. C'était le cas. Elle se était gênée qu'on soit aux petits soins avec elle, elle qui s'était toujours débrouillée seule. Nine et Antoine, eux, se sentaient comme des poissons dans l'eau. Ils maitrisaient ces codes depuis l'enfance.
Ils avaient passé la matinée à visiter la ville. Ils s'étaient rendus à la Sagrada Familia de Gaudi, unchef d'oeuvre d'architecture de style naïf. Le déjeuner à la Boqueria, marché ouvert au centre deBercelune, avait été succulent au goût de Leila. Nine et Antoine avaient trouvé à redire. Leur palaisétait exigeant, la jeune femme l'avait bien compris. Elle s'étonnait de ne pas avoir reçu d'autres critiques au sujet de sa cuisine depuis la remarque que Paul lui avait faite. Cela devait sans doute leur convenir. Elle ne se savait pas aussi bonne cuisinière.
Après un détour au stade du Berçé, et une halte au parc Güell, ils s'étaient étendus sur la Berceluneta pour une farniente. Leila les avait engueulés pour qu'ils se tartinent de crème solaire. Têtus comme des mules, ils s'étaient bornés à ne pas en appliquer. De vrais enfants. Tant pis pour eux si ils venaient par la suite se plaindre de coups de soleil.
La jeune femme avait apporté avec elle son roman fétiche, aux pages écornées par les multiples lectures et à la couverture abîmée par le temps : l'Ecume des jours de Boris Evian. L'univers surréaliste développé par Evian en 350 pages était un bijou de poésie. La romance entre Colin et Chloé, sur fond de jazz et de littérature, émouvait Leila. Elle rêvait de vivre un jour une aussi belle histoire, en passant son tour pour la fin tragique.
Initialement, ils avaient prévu de se rendre au brunch offert par l'hôtel le dimanche matin. Leila, levée tôt par habitude, partit se promener. Elle voulait s'imprégner de l'atmosphère de la ville. Elle sentit qu'elle était légère, simple, décontractée, enivrante. Bercelune n'était pas juste une grande métropole de la Méditerranée. Elle ne se limitait pas aux fiestas, à la playa et au futbal avec le Berçé. Les gens n'étaient pas aussi pressés et froid qu'à Périsse. Ici, le soleil déteignait sur le moral. Pas de chichis, de faux-semblants. Pas de snobisme. Les habitants étaient chaleureux, souriants, avenants. Ils prenaient le temps de vivre. Elle huma à pleins poumons des fleurs fraîches chez un fleuriste. Elles venaient d'être cueillies et coupées. Elle salua un inconnu d'un Holà, qui le lui rendit.
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La lumière dans l'ombre
Mystery / ThrillerFLASH INFO : Incendie criminel à Sâvres. Le cadavre d'un père de famille et de son enfant ont été retrouvés dans les décombres de leur demeure. Un autre membre de la famille et l'employée de maison sont suspectés. Contactez le numéro suivant si info...