La Cène

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Il neigeait. L'horloge du salon indiquait 20h précises. La famille Klein et Leila étaient réunis autour de la table de la salle à manger pour le souper.

Leila avait préparé les boissons préférées de chacun : un Glendronach Scotch Whisky de 15 ans d'âge pour Paul, un jus de pomme Alain Milliat pour Nine, un Coca-cola pour Antoine, un verre d'eau glacée pour elle et l'invité en retard. Elle avait servi personnellement chaque personne attablée, posant leur verre devant leur assiette. Un saladier rempli de pommes trônait au bout de la table. Ils avaient faim, ils commencèrent sans le retardataire.

Ils dinèrent dans le calme d'un poulet rôti accompagné d'une sauce au poivre maison, et de pommes de terres sautées. Ils se désaltérèrent à petites gorgées, puis reprirent quelques bouchées. Paul rompit le silence en complimentant la cuisine de Leila :

- Le poulet est délicieux. Il est d'une tendreté exquise. Comment l'avez-vous cuit ?

- Au four, monsieur. A basse température, dans son jus.

Il ne la tutoyait qu'en privé. Leila posa son couteau et sa fourchette, s'essuya la bouche. Elle regarda Nine, Paul et Antoine, tour à tour, d'un air détaché :

- J'ai une devinette pour vous.

- On vous écoute. Nine et Antoine tendirent l'oreille. 

La bonniche avait piqué leur curiosité. Ils ne savaient pas qu'elle affectionnait les devinettes.

- Qui suis-je et pourquoi suis-je là ?

L'atmosphère de la pièce était glaciale. Paul sentit poindre un mal de tête. Nine et Antoine étaient confus. Ils avaient l'esprit embrumé, comme si un voile de brouillard était apparu ; il voilait leur vision et engourdissait leur corps. Le frère et la soeur eurent mal à l'estomac et se tortillèrent de nervosité. Leila écarta sa chaise pour se lever, appuyant ses mains sur la table pour se donner de l'élan. Elle se mit à arpenter la pièce, les mains derrière le dos. Son visage demeurait stoïque. La tension était à son comble. Nine fit un effort considérable pour chuchoter un faible :

- Leila Murad, 26 ans, employée de maison de son état ?

- Faux, mademoiselle. Je suis une tueuse. J'ai été engagée par Eliane, votre mère. Vous l'avez abandonnée à son triste sort. Ignorée, laissée pour compte, en attendant de toucher l'héritage. Vous avez tous ingéré un poison sans antidote et indétectable à l'autopsie. Vous commencez à en ressentir les effets, je suppose ?

Elle consulta l'horloge. Plus que cinq minutes. Cela lui laissait largement le temps de terminer son explication. Paul chut le premier. Il tomba à la renverse. Le tapis amortit sa chute. Selma s'approcha, l'enjamba, mit le dos de sa main sous son nez pour vérifier son souffle.

- Il est encore conscient et respire toujours. Il n'en a plus pour longtemps. 

Antoine tomba à son tour, suivi de Nine. Ils n'avaient pas pu hurler, crier, appeler à l'aide, faire le moindre geste, paralysés par le poison. Leur respiration était saccadée. Ils luttèrent pour que l'air entre dans leurs poumons. Leila reprit :

- Vous êtes paralysés. Ce n'est que le début. Dans moins de 5 minutes, vous sentirez vos organes lâcher un par un. La douleur sera atroce.

Elle s'arrêta entre Antoine et Nine :

- Quant à vous, votre mère vous remercie pour vos bons soins et la sincère affection que vous lui avez apporté.

Ils auraient imploré pitié à genoux, s'ils avaient pu. Rampé à ses pieds. Que la souffrance cesse. Ils se repentaient de leurs actes.

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