Sous le soleil exactement

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Selma était partie à la découverte des Seychelles. Avant de s'y rendre, les îles lui évoquaient des plages désertes de sable fin, blanc et immaculé, avec des cocotiers projetant leur ombre au sol. Elle s'imaginait les bains dans l'eau aussi claire que de l'eau de roche, cristalline, et en avançant dans l'océan, les nuances turquoises. La meurtrière avait élu domicile dans un hôtel 5 étoiles en bord de plage. Elle avait choisi un bungalow en première ligne, en front de mer, qui s'apparentait plus à une maison.

Selma appréciait son voyage. Elle profitait de sa liberté neuve, libérée de ses chaînes.

Toutefois, elle regrettait que sa mère ne soit pas là pour en profiter avec elle; puis, elle se rappelait amèrement qu'elle n'aurait jamais approuvé la voie qu'elle avait choisi. La jeune femme gardait également en tête que cette période était éphémère. Ils finiraient par la retrouver. Si seulement elle n'avait pas eu la sottise de laisser sa bague dans la salle de bain. Elle se reprenait : autant apprécier chaque moment, comme si c'était le dernier. Elle ne savait pas ce que l'avenir lui réservait. Peut-être que sa nouvelle identité lui permettrait de passer sous les radars. Selma l'espérait. C'était devenu son vœu le plus cher.

Son rythme de vie avait changé. Selma s'était créé, petit à petit, une autre routine. Elle se levait vers 10h, petit-déjeunait de fruits du jacquier, à la chair blanche et pulpeuse, de caramboles jaunes, de corrosols, de jamalacs. Elle accompagnait cela d'un thé à la vanille cueillie sur l'île au Cerf, ou d'une infusion à la citronnelle. Curieuse de goûter aux spécialités locales, la jeune femme avait commandé une part de gâteau à la noix de coco et de tarte à la papaye. C'était goûteux, elle n'en laissait pas une miette. Elle terminait son repas, repue.

Ensuite, Selma se délectait de la vue qu'offrait la terrasse, sur la plage principale de La Digue, un livre à la main. Elle avait coutume de respirer l'odeur caractéristique, mélange de papier et d'encre, des livres. Melle Cérusain ne s'habituait pas aux supports électroniques. Elle adorait sentir le poids de l'objet dans ses mains, le geste de faire défiler les pages une à une. En ce moment, elle avait entamé un ouvrage déniché dans une librairie de coin. Le titre et la couverture l'avaient attirée. La couverture était illustrée d'un dessin représentant plusieurs hommes, aux allures dissemblables : l'un était musclé, grand, bodybuildé, son visage était banal ; l'autre était petit, trapu, son visage était disgracieux ; son attirant voisin avait un visage harmonieux, son corps était bien proportionné, sa silhouette élancée.

L'ouvrage s'intitulait « Les couilles sur la table » de Victoire Taillon. La 4e de couverture présentait également de l'intérêt, et avait achevé de convaincre la jeune femme de l'emporter avec elle. L'autrice parlait des différents types de masculinité et leur impact sur la construction de l'homme, leur vision de la société. D'habitude, Selma se méfiait de ce genre d'ouvrages. Elle savait qu'ils surfaient sur la hype du sujet lucratif du moment : le féminisme, Me Too. Elle s'adressa au vendeur en français, ne maitrisant pas le lalang kreol.

L'ancienne bonne sautait le déjeuner. Elle mangeait trop le matin pour que son estomac réclame sa pitance à 12h. Après sa lecture, Selma partait se baigner. Dans l'Océan Indien, puis, lorsque le soleil commençait à taper, dans la piscine à débordement de l'hôtel. Parfois, elle faisait de la plongée ou du snorkeling, pour admirer les coraux colorés et les poissons multicolores. La piscine était ombragée par les palmiers et les cocotiers plantés à proximité.

La jeune femme s'interrompait pour faire une sieste, puis prenait une collation à 16h30. Elle partait ensuite pour un massage d'une heure à l'huile de vanille, de coco ou de monoï au spa. Détendue, Selma enchaînait avec une activité plus énergique : la marche dans la flore luxuriante entourant l'hôtel. La faune et la flore étaient foisonnantes et luxuriantes. Elle observa un bestiaire unique : tortues géantes d'Aldabra, goélands, perroquets noirs, hérons, oiseaux banane, roussettes, aigrettes, sterne fuligineuse, grenouilles arboricoles. L'inventaire botanique n'avait pas à rougir : arbres méduses, mangroves, frangipaniers, flamboyants, hibiscus, palmiers, cocotiers.

La lumière dans l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant