...tombera le premier

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Après avoir terminé son ouvrage, Selma essuya la sueur gouttant de son front et de ses tempes. Elle était apaisée. Il n'y avait rien de tel qu'une séance de ménage intensive pour se calmer et ordonner son esprit. Elle en avait profiter pour s'attaquer au reste de leur logement de fortune. Kensakan inspecta le travail de Selma. Les wc, le frigo, l'évier, le bureau, même la chaise luisaient de propreté. Quelque chose clochait définitivement chez cette femme. Elle était anormale. Quelle personne sensée aurait eu une réaction aussi bizarre après s'être faite attaquée au couteau et avoir eu une crise d'angoisse ? La jeune femme aurait pu hurler, éclater en sanglots, taper du poing et des pieds, être tétanisée ou entrer dans une état de torpeur, mais non, rien de tout cela. Elle avait fait le ménage.

A présent, la fugitive et l'inspecteur pouvaient discuter. Ils s'installèrent sur le lit d'appoint, côte à côte. Selma ne comprenait pas le geste que Kensakan avait eu. Pourquoi l'avait-il sauvée ? C'était à n'y rien comprendre. Après avoir exposé l'intégralité des faits, Kensakan entama une explication :

- J'ai agi par pur instinct. Je... mon corps a bougé avant que je ne prenne conscience de ce que je faisais. Un instant, j'étais en filature, je te voyais de dos. Celui d'après, j'avais mon flingue fumant à la main.

- C'est fou et irrationnel, ce que tu racontes là.

- Je sais bien. Je ne comprends pas non plus.

La tête de Kensakan se baissa.

Il voulait lui parler du passé :

- Tu ne te souviens pas de moi, mais moi si. On était ensemble au collège. Tu te rappelles de Gabriel Meaulnes ?

Selma écarquilla les yeux. Elle était bouche-bée, muette de surprise. 

Elle finit par réagir :

- C'est toi ? Je n'en crois pas un mot. Il n'y a pas moyen. C'est une mauvaise blague. Tu ne ressembles en rien au petit Meaulnes, binoclard et boutonneux que j'ai connu. C'est trop improbable pour que ce soit vrai. J'aurais plus de chances de gagner à la loterie.

Meaulnes sortit sa carte d'identité de la poche arrière de son pantalon, l'agita sous le nez de Selma :

- Eh si. C'est difficile à croire, mais c'est bel et bien la vérité.

- Admettons que tu sois Gabriel Meaulnes. Ça n'explique pas tes agissements. Pourquoi m'avoir sauvée et soignée, au lieu de me livrer aux autorités et de me ramener menottée dans le premier avion en partance pour Périsse ?

- Par gratitude. A l'époque, si tu ne m'avais pas sauvé de cette bande de 3e qui en voulaient à mon argent de poche, je ne serais pas devenu la personne que je suis aujourd'hui. C'est ta bravoure qui m'a donné envie d'exercer ce métier. Jamais personne ne m'avait défendu ainsi auparavant.

- Ton petit discours est bien beau et émouvant, je suis touchée et ravie d'avoir été un modèle pour toi, mais regarde la situation dans laquelle on est et réveille toi. Exposa-t-elle, tout en désignant de l'index leur environnement, le hangar désaffecté.

- ...

- Oui, oui, on est dans une merde noire.

- Une situation inconfortable, rectifia Kensakan.

- Non, redescends sur terre, mon vieux. C'est impossible de s'en sortir sans dommages.

- Tout problème a sa solution. On va en trouver une.

- Dis donc, tu commences sérieusement à m'énerver avec ton optimisme débile et tes maximes merdiques.

- Et moi donc, avec ton pessimisme sans fond.

La lumière dans l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant