Le coeur sur la table

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Antoine ne croyait pas en l'amour éternel qu'on lui vendait à longueur de journée dans les films, les bouquins, au cinéma, à la télévision, dans les pubs, sur son téléphone. Il avait vu des couples en apparence heureux. Mais qui savait ce qui se passait en réalité une fois qu'ils se trouvaient seuls, chez eux, dans l'intimité ? Personne, à part les deux parties susmentionnées. 

Ses parents formaient un exemple parfait d'échec amoureux. Ils étaient restés ensemble par dépit, parce qu'ils n'avaient pas le choix. Ils avaient fondé une famille. Ils avaient peur de se quitter à leur âge, peur de ne pas retrouver quelqu'un. Briser leur famille ? Elle n'en n'avait que le nom. Antoine voyait en son père un simple géniteur. Son père parlait d'eux comme s'ils étaient unis et heureux. Quelle hypocrisie. Quel bullshit.

Antoine commençait à peser le pour et le contre de sa relation avec Lucie. Elle lui faisait du bien, mais elle était control-freak. Il se sentait pris en otage. Que lui apportait-elle réellement ? Dans tous les cas, il ne pouvait appeler cela de l'amour.

La sonnerie du fixe du salon se fit entendre au loin. Comme d'habitude, il l'ignora. Il ouvrit son journal à la page où il s'était arrêté, effectua une relecture rapide :

" J'en ai marre des cours. Ça m'ennuie, surtout les cours de micro-économie. Qu'est-ce que j'en ai à foutre, de la combinaison optimale des facteurs de production, ou de la notion du taux marginal de substitution ? Ils auraient dû libérer plus de temps pour la rédaction du mémoire, au lieu de continuer à nous faire subir ces rappels inutiles."

Puis, il poursuivit :

« Je veux être libre. Ne pas mener une vie où je serai pieds et poings liés à une seule personne pour le reste de ma vie. Les meufs que j'ai croisées et avec qui je suis sorti ne m'ont, pour la plupart, approché que pour se servir de moi. Parce que je suis un Klein. J'ai un physique moyen, j'ai la malchance de faire un petit mètre 70, mais je suis riche. Je me suis servi d'elles à mon tour. C'était vide de sens, alors j'ai laissé tomber. Elles m'ont laissé un goût amer en bouche.

Ma relation avec Lucie est toxique. Elle me prend beaucoup, sans rien donner, ou si peu, en retour. Je veux y mettre un terme, mais c'est compliqué. Je reste avec elle, mais je veux m'en aller. J'aimerais ne plus jamais la revoir. Il faut que je trouve le courage de la quitter.

Je déteste mon père. Il ne nous a jamais porté attention. Il a tenté de combler son absence en nous inondant de fric. Il a blessé ma mère en la trompant à de multiples reprises. Je suis sûr qu'à l'heure actuelle, il voit encore une ou deux maîtresses.

Ma mère ne vaut pas mieux. Elle est obsédée par deux choses : ses fichus bouquins, et la gloire. A croire qu'à ses yeux, ils comptent plus que nous. Je regrette mon enfance... à l'époque, au moins, j'avais une mère. Maintenant, c'est fini. »

Il ferma le cahier, le laissa sur son bureau, remit en place le capuchon du stylo. Un tour dans le square au bout de la rue lui ferait du bien.

Leila passa faire le ménage dans la chambre d'Antoine. Sa curiosité mal placée la poussa à lire les derniers mots qu'il avait inscrit dans son cahier. Elle compatissait. Elle avait de la peine pour ce petit.

La sonnerie de la porte retentit. Dring, dring, dring. Driiiing. Dring. Dring. Leila cria qu'elle arrivait. Elle ouvrit la porte. Personne. Elle avait peur.

La lumière dans l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant