Double trouble

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La relation entre Leila et Paul devenait difficile à cacher. L'attirance était trop forte. Leila avait été séduite par sa prévenance, sa douceur et ses attentions. Il avait un physique normal, mais elle le trouvait beau. Sa conversation la charmait. Son porte-monnaie aussi, mais elle ne se l'avouait pas.

Paul avait été conquis par l'intelligence de cette femme, sa dévotion, sa touchante maladresse par moments, sa maîtrise et son efficacité le reste du temps. Elle était disciplinée et carrée dans sa manière d'aborder les choses, même si, ces derniers temps, il lui arrivait de ne pas effectuer son travail aussi bien que d'habitude. Il se demandait parfois comment une perle pareille avait pu devenir employée de maison. La réponse, au fond, lui importait peu. Il était juste content de l'avoir rencontrée et choisie. Le passé ne l'intéressait pas. Il était concentré sur le présent et tourné vers l'avenir.

Ils avaient passé à nouveau un bon moment ensemble. Leila avait pris son temps pour lire les cartels affichés près des œuvres. Elle avait découvert une version qu'elle ne connaissait pas des Nymphéas. Le tableau appartenait à la collection privée d'un collectionneur américain, qui l'avait prêté au musée à l'occasion de la célébration de ses 150 ans d'existence. Après l'exposition, ils prirent une collation chez Angelina, rue de Rêverie. Leila dégusta avec délice un Mont-Blanc, sa pâtisserie préférée. La meringue était légère et sucrée juste ce qu'il faut. Elle se mariait avec justesse au marron, à la saveur farineuse. Le maître-mot de cette pâtisserie : équilibre. Paul avait craqué pour des macarons à la pistache. En sortant, il fut pris d'un élan. Il la serra dans ses bras. Leila était à la fois agréablement surprise, et gênée. Une de leurs connaissances aurait pu les surprendre. Il desserra son étreinte. Le temps s'était arrêté. Paul et Leila ne rentrèrent pas, cette nuit-là.

Ils recommencèrent quelques jours plus tard, à la maison. Paul et Leila avaient fermé la porte de la salle de musique à double-tour. Ils firent leur affaire contre la porte, excités par la peur de se faire attraper par Antoine ou Nine. Ils adoraient le frisson procuré par le danger. Ils jouaient dangereusement avec le feu.

Le projet Philarmonie prit du retard, en raison de problème sur les logiciels BIM qu'ils utilisaient. Des données avaient été mal saisies et mal relevées sur le terrain. Il fallait revoir un certain nombre de calculs et de points, recommander des matériaux, sans quoi, des conséquences se feraient ressentir sur M. Klein. Il était sous pression. En temps normal, Paul aurait été moins nerveux, mais au vu de l'envergure du projet, les enjeux étaient importants. Il ne pouvait se permettre un raté.

Leila s'était attachée à la famille Klein, plus qu'elle ne l'aurait voulu. Au delà du père, ils partageaient des souvenirs heureux en commun : le voyage à Rame, le déjeuner à la trattoria, la visite du Colisée et des jardins, des monuments, l'anniversaire de Nine ; d'autres moins joyeux : l'incident de Bercelune – l'oubli qui l'entourait demeurait mystérieux –, les cauchemars de Nine, son arrivée, le décès de Baudouin. Elle avait appris à mieux les connaître au travers de leurs confidences et des secrets qu'elle avait découvert de manière fortuite ou volontaire. Ils étaient touchants, à leur manière.

Leila reçut un appel de U :

- Comment allez-vous ? Cela faisait un moment. La mission se déroule comme sur des roulettes. J'ai pu observer avec attention leur comportement. Tout est en place. Très bien.

Elle mentait avec une facilité déconcertante.

...

Paul rassembla Nine et Antoine dans la salle à manger, sous l'oeil vigilant de Leila.

Il avait une annonce à faire :

- J'ai ouvert mes relevés de compte la semaine dernière. Ils m'ont donné matière à réflexion. A partir de samedi, je vous coupe les vivres.

La lumière dans l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant