Chapitre 2

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          Assise à table avec les Dursley et Harry pour le petit-déjeuner, Romulée, encore à moitié endormie dans son thé, n'écoutait que d'une oreille la dispute qui avait éclaté à côté d'elle, oncle Vernon se plaignant pour la troisième fois de la semaine du hululement de Hedwige qui l'avait réveillé. Si ça le dérangeait, lui, à l'autre bout du couloir, avec deux portes fermées entre les deux, elle le laissait imaginer ce que ça donnait quand ledit animal vivait dans la même pièce. Ella adorait Hedwige, vraiment, mais même elle aurait préféré dormir une heure de plus sans être réveillée en sursaut, les tympans menaçant d'exploser.

- Elle s'ennuie ! Expliquait encore Harry.

          Elle l'avait entendu tant de fois durant l'été qu'elle pourrait le répéter mot pour mot. Il avait raison, bien sûr, mais leur oncle ne laisserait jamais son frère libérer sa chouette, il avait bien trop peur d'attirer l'attention des voisins sur eux, et Dieu sait à quel point cela terrifiait les Dursley. Sirotant son infusion à la menthe encore chaude, la brunette avala de travers et en aspira même pas le nez lorsque, peu après, plusieurs choses se passèrent en même temps : le cri de Dudley, le hoquet de tante Pétunia, et oncle Vernon qui se leva de sa chaise d'un bond en frappant sur la table et en hurlant :

- QU'EST-CE QUE JE T'AI DIT ? JE NE VEUX PAS QU'ON PRONONCE CE MOT DANS MA MAISON !

          Regrettant sa délicieuse boisson, renversée à la fois sur la table, sur ses genoux et par terre, Romulée se boucha les oreilles en lançant un regard noir à Harry. Evidemment qu'il était responsable, qu'est-ce qui lui passait donc par la tête pour oser mentionner la magie sous une forme ou une autre en présence de cette famille ? Elle se tenait à carreau, leur adressait à peine la parole tandis qu'ils l'ignoraient tout autant, et tout se passait bien. Et bien qu'elle soit elle aussi magique, ils semblent particulièrement prudents avec Harry, comme s'il pouvait exploser à tout instant. Pour tout dire, le soir-même de son retour de Poudlard, oncle Vernon avait enfermé toutes ses affaires, livres, plumes, parchemins, vêtements, balais, dans le placard sous l'escalier auquel il avait mis un gros cadenas. Cela avait été un coup dur pour Harry, dont le moral s'était logé au fin fond de ses chaussettes. Plusieurs fois, il lui avait répété comment son collège lui manquait, ses amis, son grand lit, les banquets, et comme il craignait de perdre sa place d'Attrapeur dans l'équipe de Quidditch s'il ne s'entrainait pas.

          Romulée ne s'était pas gênée pour lui lancer un regard lourd de sens et, quand il lui avait demandé pourquoi elle le regardait comme ça, avait lâché :

- T'entrainer ? Sur ton balais ? Dans un quartier moldu ?

          Il avait rougi, croisé les bras et lui avait tourné le dos.

- Tu ne peux pas comprendre, tu ne peux pas faire de Quidditch.

          Elle était certaine que les courses de pégases et autres sports extrêmes sur AutreMonde étaient bien plus impressionnant et grisants. Et rien que pour s'en assurer et le lui prouver, elle s'y mettra dès que l'occasion se présentera. Néanmoins, sa pique l'avait touchée et elle ne lui avait plus parlé de la journée, l'écoutant simplement se plaindre à n'en plus finir. Il n'avait même pas remarqué son inattention.

          Le raclement de gorge d'oncle Vernon détourna Romulée de sa tasse de thé, à nouveau pleine et fumante.

- Comme vous le savez, aujourd'hui est un jour particulièrement important.

          Elle haussa un sourcil et son frère leva la tête à son tour.

- C'est peut-être le jour où je conclurai la plus belle affaire de ma carrière.

          Rien d'aussi intéressant que sa tasse, donc. Ce n'est pas comme s'il en parlait tous les jours depuis deux semaines. En fait, il ne parlait plus que de ça, comme si plus rien d'autre n'existait que ce riche promoteur immobilier et sa femme invités à dîner chez les Dursley, tout ça dans l'espoir d'une grosse commande qui profiterait bien aux revenus du foyer.

          Un coup de pied de Harry dans sa jambe fit se redresser sa soeur qui trouva tous les regard tournés vers elle et son oncle rouge, la moustache frémissante.

- Je t'ai demandé : et toi ?

- Et moi ?

- Oui, toi ! Où seras-tu, ce soir à huit heures précises ?

- Oh ! Dans ma chambre, en silence, où je ferai semblant de ne pas être là.

- Exactement. Puis...

          Après avoir répété cette phrase encore deux fois, oncle Vernon eut enfin fini avec le programme de la soirée. Romulée vida sa tasse, nettoya ses couverts et suivit son jumeau dehors où il se mit à chantonner "Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire..." en regardant le ciel. Ses amis de Poudlard ne l'avaient pas contacté une seule fois, ce qu'ils avaient apparemment promis à la fin de leur première année. Mais rien. De tous leurs anniversaires, celui-ci remportait aisément la palme du plus triste. Non seulement ils ne recevaient ni cartes de vœux, ni de cadeaux, mais en plus ils devaient passer la soirée à faire comme s'ils n'existaient pas.

- Tu veux venir avec moi au...

- Je t'ai déjà dit que je ne voulais plus jamais y retourner ! Cracha le garçon.

          Romulée eut un mouvement de recul avant de serrer les poings en fronçant les sourcils.

- Comme tu veux. Moi j'y vais.

- Comme tous les jours depuis le début de l'été, ça change pas.

- Bon anniversaire.

          Et elle partit en fumant, presque en tapant des pieds. S'il voulait rester seul le jour de leur anniversaire, à s'apitoyer sur son sort, grand bien lui fasse ! En tout cas, elle, elle n'allait certainement pas perdre son temps ici, elle avait bien mieux à faire. Ruminant son agacement, elle descendit la rue jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche, et l'un des seuls, à la sortie du quartier. Là, elle attendit en tapant la pointe de son pied au sol. Elle ne comprenait vraiment pas pourquoi Harry ne voulait plus l'accompagner au manoir ! Les premiers jours s'étaient pourtant bien passés, il avait l'air heureux d'apprendre à se défendre et surtout de passer du temps loin de chez les Dursley, mais après une semaine, il s'était rebiffé, prétextant que les leçons étaient trop dures ou que ça l'ennuyait. En tout cas, elle n'allait pas se gêner, elle n'avait fait qu'effleurer le contenu de la bibliothèque, sans succès pour le moment.

          Elle monta dans le bus à moitié plein et trouva une place au fond où elle restera pendant près d'une heure pour atteindre la demeure du Gardien qui l'accueillait presque tous les jours pour lui permettre d'étudier - c'est du moins ce qu'elle lui avait dit - et de rencontrer d'autres Sortceliers. Et bien qu'elle passe la majorité de son temps parmi les livres, elle n'hésitait pas à rejoindre une des leçon de magie dispensée bénévolement par certains de ces Sortceliers.

          Elle ne s'attendait pas, en s'y rendant le premier jour, trouver un tel lieu d'étude et de rencontre, mais depuis, c'est là qu'elle passait tout son temps. Elle regrettait seulement que son frère ne puisse se rendre compte des avantages qu'offraient ce havre et de tout ce qu'ils pourraient retirer des enseignements réservés aux Nonsos qui, comme lui, étaient amenés ou conseillés par un proche Sortcelier sans pour autant connaître l'existence d'AutreMonde.

          C'était son choix.

Romulée Potter : MearahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant