Chapitre 32

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          Il était toujours là, dans un coin de sa tête. A rôder, à s'approcher pour effleurer ses pensées comme s'il avait le droit d'y résider. Par certains aspects, Tunra lui rappelait Kaizzar. Et Romulée en avait envie de gerber. Peu importe si le crocodile n'apportait avec lui qu'amour, chaleur et curiosité, elle ne voyait qu'une nouvelle entité capable d'envahir son intimité et de l'influencer. La tristesse venait teinter peu à peu ces émotions et elle l'entendait l'appeler derrière sa porte tel un chiot perdu sans sa maîtresse, mais elle n'en avait cure. Qu'il chouine. Lorsqu'il comprendra qu'elle ne voulait rien avoir à faire avec lui, l'animal partira et la laissera enfin en paix.

          A cause du crocodile à l'entrée, la jeune fille ne sortait plus de sa chambre. Il l'y avait suivie en arrivant et n'en avait plus bougé, prêt à l'accueillir chaque fois qu'elle oserait entrebâiller sa porte.. Les Mearah se relayaient donc pour apporter à leur cousine de quoi s'hydrater et se sustenter et, chaque fois, restaient discuter avec elle en cherchant, en vain, à lui faire entendre raison. Dès qu'ils ne faisaient que mentionner, même le plus délicatement possible, son Familier, elle s'emportait et les faisait partir. Ils ne comprenaient pas. Ne pouvaient pas comprendre.

- C'est un lien éternel, Romulée, la gronda un jour Esther. Il n'existe aucun moyen de le briser.

          C'est ce qu'ils lui répétaient chaque fois qu'elle disait vouloir voir disparaître la bête. Et, les jours passant, ils commençaient à perdre patience, son entêtement ridicule les agaçant tous au plus haut point. Elle ne les écoutait tout simplement pas dès lors qu'ils allaient contre son sens et se refermait sur elle-même.

- Même si cela était possible, tu en souffrirais.

- Je souffre déjà d'être liée ! Autant retirer le pansement d'un bon coup sec !

- C'est ta propre bêtise qui te fait souffrir. Ressaisis-toi, ma petite ! Nous te laisserons encore quelques jours, mais lorsque nous cesserons de t'apporter à manger, tu seras bien obligée de descendre et de côtoyer ton Familier.

          Ignorant l'air horrifié de Romulée, l'ancienne Sortcelière quitta la chambre la tête haute. Une fois la porte fermée, elle l'entendit s'adresser tendrement au crocodile, la faisant fumer intérieurement. Pourquoi ses cousins montraient-ils plus de compassion pour cet animal que pour elle, un membre de leur famille ? Qu'ils arrêtent de la nourrir, elle ne descendra pas pour autant, et tant pis pour les conséquences ! Elle étouffa un cri de frustration dans son oreille, le rabattant en même temps sur ses oreilles comme si cela pouvait couper les images et sensations que lui transmettait Tunra sans que cela fasse le moindre effet.

          Tous les jours, elle se demandait pourquoi elle était liée à lui. Elle détestait l'eau, ne nagerait, ne plongerait jamais de sa propre volonté, pas même transformée ou protégée par les meilleurs sortilèges du monde, alors que pourrait-elle partager avec un animal aquatique ? N'était-ce pas aussi cruel pour lui ? Rien que de penser à ses écailles humides la fit frissonner, elle ne pourrait jamais poser ses mains dessus. Et puis, il était couvert d'algues et de bourbe, c'était dégoûtant ! Et de quoi aurait-elle l'air en se baladant avec lui au milieu des Sortceliers accompagnés d'animaux majestueux et gracieux, comme des félins ou de grands canidés, ou jouant avec des oiseaux colorés au chant guilleret ?

          Décidée à ne plus penser à lui et à ignorer au mieux sa présence, Romulée se glissa sous ses draps en abaissant ses volets. Il était encore tôt, mais elle était si fatiguée qu'elle bâillait à longueur de journée et que ses yeux la brûlaient rapidement. En plus, elle n'arrivait plus à se concentrer sur rien. Depuis qu'elle était revenue avec Tunra, elle se réveillait plus souvent la nuit et avait des difficultés à trouver le sommeil, probablement à cause de ce lien. Avant d'éteindre sa lampe de chevet, elle avisa toutefois la lettre qu'elle avait reçu la veille de la part de son frère et qu'elle avait délaissée. Après réflexion, elle s'en empara pour l'ouvrir. Peut-être que Harry allait lui redonner le sourire, qui sait. Malheureusement, ses espoirs s'évanouirent en ne trouvant qu'une lettre banale contenant à peine plus que des remerciements pour la peluche qu'elle lui a envoyé. Le reste était même plutôt dépressif étant donné que le monstre de Poudlard rôdait toujours. Elle laissa retomber la lettre au sol et se recroquevilla avec l'impression que l'univers se moquait d'elle.

Romulée Potter : MearahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant