Romulée Potter : Mearah

Chapitre 43

          Romulée se revoyait des mois auparavant, tout aussi impuissante et démunie face à Kaizzar, et elle savait qu'il pensait la même chose en voyant le sourire s'étirer un peu plus sur son visage, le fendant en deux à la façon du chat de Cheshire. Mais plus sombre. Il lui donnait autant envie de vomir que de se recroqueviller sur elle-même, toutefois, à cet instant, elle ne pouvait faire ni l'un ni l'autre, toujours sous son emprise. En se débattant contre ces liens invisibles, la jeune fille les sentait faiblir et trembler, lui accordant la force nécessaire pour continuer.

- Salue-moi, Romulée, continua la Haut-Mage. Agenouille-toi. Vénère-moi comme ton Maître

          Les aiguilles se plantant dans son cerveau étaient si douloureuses qu'elle ne ressentit pas le choc lorsque ses genoux frappèrent le sol. Sa concentration momentanément coupée, elle maudit le sortcelier alors que son corps se prosternait à ses pieds en soumission. Vibrante de rage, elle aurait pu lui sauter à la gorge lorsqu'il vint relever son menton d'une poigne douloureuse pour l'obliger à le regarder. Sa joie malsaine déformait son visage d'une horrible façon, lui donnant l'air d'un monstre bavant d'appétence tout droit sorti d'un cauchemar.

- Oh, comme tu serais en train de trembler s'il te rester un grain de conscience. Si tout se passe comme prévu, ton âme n'aura plus de raison d'exister.

          Ainsi donc, il la croyait toujours hors jeu et inconsciente au monde qui l'entourait. Si elle n'était pas tant dans l'urgence, elle serait peut-être tentée de glaner le plus d'informations possibles étant donné sa facilité à les lâcher dans le plus grand des calmes lorsqu'il se pensait grand vainqueur. Elle n'avait toutefois pas de temps à perdre. Sa famille était prévenue et tous étaient parti à sa recherche, mais Tunra sera lent à les guider jusqu'ici.

- Giovo, rassemble mes affaires.

          Ce n'est que lorsque Kaizzar se releva que Romulée aperçut le deuxième homme. Jeune, tout juste sorti de l'adolescence, il s'était jusqu'alors tenu si immobile qu'il se fondait dans le décor, aidé par sa tenue sombre. Il avait sur son épaule un papillon aux grandes ailes bleues et or, mais ce qui retint surtout l'attention de la brunette, ce sont ses yeux ternes, vides, qui ne semblaient observer que le vide. Sa terreur, que sa colère avait surmonté, revint au galop quand elle comprit qu'elle voyait de ses propres yeux le destin qui l'attendait. Pendant que le pantin exécutait l'ordre de son maître, ce dernier s'approcha d'un espèce de plateforme dont Romulée comprit immédiatement l'utilité en voyant les symboles l'entourant.

- Satanée technologie, grogna Kaizzar en donnant un coup de pied dans l'appareil. C'est si compliqué de créer des choses qui fonctionnent ?

          Elle ne pouvait pas rester sans rien faire.

          Bouge ! Hurlait-elle intérieurement, s'efforçant de commander son corps.

          Ses yeux, lorsqu'elle parvint à les faire glisser vers le jeune homme, brillaient de détermination.

          Encore !

          Les aiguilles tentaient de s'enfoncer plus profondément, mais leur pointe était émoussée, arrondie. Et, enfin, quelque chose claqua, tel un élastique sur lequel on aurait trop forcé. Soudain libérée de cette douleur constante, Romulée serra les mâchoires et se força, lentement, à se redresser, à se relever. L'emprise de Kaizzar, bien qu'amoindrie, était toujours présente, rendant l'effort assez laborieux pour lui tirer un grognement.

          Debout sur ses jambes vacillantes, la jeune fille repoussa sa peur dans un coin de sa tête. Elle devait gagner du temps. C'était tout ce qui importait. Gagner du temps et ne pas laisser le mage l'emporter. Celui-ci ne faisait pas attention à elle, trop obnubilé par la plateforme de téléportation qu'il peinait à activer, trop serein et confiant. Sentant ses forces et son contrôle lui revenir peu à peu, Romulée se demanda si ce n'était pas là l'occasion en or qu'elle attendait. Si elle le prenait par surprise, peut-être que...