Chapitre 6

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          Enfermée dans la chambre qui n'appartenait désormais qu'à elle, Romulée était recroquevillée en position fœtale sur le lit, tournant le dos à la fenêtre à nouveau barrée, bien plus lourdement qu'auparavant, et fixant la porte fermée à clef par plusieurs serrures. Elle pensait que cette pièce ressemblait à une prison avant leur fuite ? Ce n'était rien comparé à aujourd'hui. La seule amélioration par rapport à la semaine précédente est que, étant donné qu'elle n'a elle-même usé d'aucune magie, les Dursley la laissent sortir pour aider aux tâches ménagères et dans la cuisine, mais oncle Vernon se fait un plaisir de lui rappeler plusieurs fois par jour la punition qu'il lui réserve si elle ose ne serait-ce que respirer de façon étrange.

- Il n'y a pas de lois là-bas sur l'usage de la magie ? Lui demandait-il également avec un rictus mêlant malice et dégoût.

- Je n'ai pas le droit d'en faire devant les gens normaux.

- Bien, bien. Et quel châtiment est réservé pour ceux qui enfreignent la loi ? L'expulsion sur Terre ?

          Craignant aggraver son cas, Romulée se retint de répliquer qu'AutreMonde était une planète avec ses peuples et ses gouvernements, et pas une simple école géante. Alors elle préféra feindre l'ignorance et laisser son oncle extrapoler tout un tas de choses aussi stupides que ridicules.

          Quand il n'était pas là, c'est tante Pétunia qui venait évacuer son mépris sur elle, s'asseyant dans le salon alors qu'elle faisait le ménage ou restant appuyée contre le comptoir en la regardant cuisiner à sa place.

- Toi non plus, ils ne veulent pas de toi, n'est-ce pas ? Persiffla-t-elle sur un ton arrogant. Trop normale pour ces bêtes de foires et trop étranges pour des gens normaux. Es-tu sûre de trouver une place sur cette Autreplanète ou je ne sais quoi ?

          Dudley, bien sûr, n'était pas en reste. Il aimait particulièrement mettre un bazar monstre, son jeu préféré étant de se déchaîner après que sa cousine a fait le ménage. Plus il y avait de crasses, plus elle devait passer de temps à tout nettoyer, et mieux c'était. Il ricanait alors comme un idiot jusqu'à ce qu'elle lui jette un coup d'œil sombre qui ne manquait jamais de le faire fuir en couinant.

          Après quatre jours répétitifs et mornes, à subir les moqueries de sa "famille", Romulée décida que c'était assez. Sous ses draps, une pensée s'imposa brusquement alors que la lune illuminait le ciel. Maintenant que Harry était parti et sachant qu'il n'allait pas revenir, plus rien ne la retenait ici. Rien ne l'empêchait se plier bagages et de se rendre au manoir pour y demander l'asile. Il lui serait alors tellement plus facile d'étudier sa situation et de chercher une solution, tout en pratiquant la magie sans avoir à se cacher de qui que ce soit, du moment qu'elle restait loin des quelques lieux réservés aux Nonsos.

          Alors, cette nuit, la jeune Sortcelière rassembla ses affaires en silence, et dès que le soleil darda ses premiers rayons de soleil sur l'Angleterre, pendant que les Dursley dormaient encore, elle déverrouilla les serrures à l'aide d'une touche de magie, d'abord celles de sa chambre, puis celle de la porte d'entrée qu'elle prit soin de refermer. L'air dehors était incroyablement doux et si délicieux que Romulée prit le temps d'en profiter, yeux fermés en inspirant profondément cette fraîcheur qu'elle n'avait pu goûter depuis son retour de chez les Weasley. Enfin, ne laissant derrière elle qu'un bref message à l'intention des Dursley, elle se dirigea vers l'arrêt du bus le sourire aux lèvres.


          Face à elle, derrière son bureau, M. Cooper la fixait avec des yeux étonnamment vifs, contrastant avec la robe de chambre qu'il portait encore et la façon dont il était avachi sur sa chaise, les coudes appuyés sur le bureau en bois massif. Romulée ne se sentait plus si sûre d'elle, se retenant de gesticuler sur sa chaise en attendant une décision du Gardien. Contrairement à ce qu'elle avait pensé et espéré, il n'avait pas immédiatement accepté sa demande de séjour et n'avait pas prononcé le moindre mot ces trois dernières minutes. Le silence régnant dans le bureau n'aidait pas à calmer les nerfs de la brunette qui se voyait déjà renvoyée chez les Dursley. A cette pensée, son visage prit une teinte pâle. Ce serait si humiliant.

- Mon manoir est ouvert à quiconque désire étudier et apprendre, dit enfin le Gardien d'une voix traînante. Mais ce n'est pas une pension.

          Romulée rentra la tête dans les épaules en baissant les yeux. Elle aurait dû réfléchir plus longtemps, au lieu d'agir ainsi sur un coup de tête ! Le retour à Privet Drive, une véritable marche de la honte, allait probablement être le pire moment de sa vie, et elle doutait que quoi que ce soit puisse un jour prétendre à ce titre.

- Toutefois, je suis prêt à faire une exception pour cette fois.

          N'en croyant pas ses oreilles, la jeune fille se redressa subitement en portant des yeux ronds comme des soucoupes vers M. Cooper qui leva une main avant même qu'elle n'ait ouvert la bouche. S'assurant de son silence, il continua non sans gentillesse, mais sévèrement :

- Sept jours. Pas un de plus. Et ce sera la seule et unique fois que j'accepterai une telle demande. Est-ce compris ?

- Oui, Monsieur ! Merci infiniment, Monsieur !

- Oui, oui. Je m'attends à un comportement irréprochable de ta part. Et le mercredi et le samedi, tu devras rester dans ta chambre. Quelqu'un t'amènera tes repas.

          Romulée n'avait aucune idée de ce que faisait l'homme ces jours-là, mais il interdisait toujours l'accès à son manoir. Elle mentirait si elle prétendait ne pas être curieuse de tant de secrets, cependant, elle se gardera bien d'y fourrer son nez, peu désireuse de se retrouver mêlée à quelque histoire dangereuse ou de se voir refuser l'accès au manoir.

- Une semaine, Romulée. Tu devras te décider vite.

- Me décider ?

- Si tu veux rentrer chez les Dursley, ou retourner sur AutreMonde.


          Il s'agissait sans conteste d'une des décisions les plus horribles de sa vie. Comment pourrait-elle choisir ? D'un côté, il y avait les Dursley qui, à coup sûr, lui mènerait la vie dure si elle osait rentrer, et surtout, s'ils acceptaient de l'accueillir à nouveau, et de l'autre, Maître Kaizzar et toutes les horreurs qu'il lui infligera sans doute. Et certes, cela impliquait de retourner sur AutreMonde, une alternative sur laquelle elle se serait jetée en temps normal, mais ce n'est pas comme si elle pourrait profiter des merveilles que la planète avait à offrir si elle était constamment coincée avec le Haut-Mage, ou malade au point d'avoir l'impression d'agoniser. De toute façon, il lui faudra retourner sur AutreMonde, elle en avait envie, et elle retrouvera son Maître, qu'elle le veuille ou non.

          Le premier soir, son choix était déjà arrêté. Pourtant, elle le garda pour elle, incapable de rassembler le courage nécessaire pour l'annoncer à M. Cooper. Car chaque fois qu'elle s'imaginait de retour à Travia, elle voyait le sourire de Kaizzar, elle entendait sa voix mielleuse et l'éclat malsain de ses yeux venaient même hanter ses nuits. Elle contractait alors tous ses muscles, fermait les yeux et serrait les poings pour faire appel à toute la haine qu'elle ressentait à son encontre, dans l'espoir de calmer son cœur tambourinant dans sa poitrine et ses genoux tremblant.

          Afin de le chasser de sa tête, elle essayait aussi de se plonger dans les ouvrages de la bibliothèque du manoir, toujours à la recherche d'une méthode pour briser le sort qu'elle sentait toujours dès que l'idée l'effleurait de souffler la vérité à quelqu'un. Mais chaque jour de vaines recherches alourdissait un peu plus son désespoir. Les yeux injectés de sang et brûlant, elle se couchait en sachant que le sommeil ne la cueillerait que bien plus tard dans la nuit.

          Au sixième jour sans le moindre indice, c'est une autre idée qu'elle avait rangé dans un coin de sa tête qui revenait la titiller. Alléchante, mais assurément impossible : tuer Kaizzar. S'il y a bien un point sur lequel toutes ses lectures étaient d'accord, c'est qu'un sortilège pouvait, dans la majorité des cas, être brisé par la mort de son lanceur. Cela étant dit, elle doutait être capable d'y parvenir, même si le Haut-Mage se retrouvait sans défense à ses pieds. Et puis, elle ne voulait pas devenir une criminelle !

          Le lendemain, elle était assise dans la bibliothèque, ses yeux cernés de violet fixant le vide lorsque quelqu'un vint prendre place face à elle. Le Gardien, qui n'était plus en robe de chambre, mais débraillé comme à son habitude, joignit les mains devant lui en s'appuyant sur son dossier.

- La semaine est passée, Romulée. Quelle est ta décision ?

          Prenant une profonde inspiration, elle répondit :

- Je vais retourner sur AutreMonde.

Romulée Potter : MearahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant