Chapitre 44

32 5 5
                                    

          Pas un seul mot n'était prononcé tandis qu'Esther guérissait les blessures de sa petite cousine pâle comme un linge, aux yeux hagards. Durant son retour de la forêt, le choc des événements lui était tombé dessus, donnant ainsi l'impression qu'elle ne savait plus où elle était ou même qui elle était. Elle les avait laissés la guider jusqu'au bureau de la matriarche sans leur accorder un seul regard, ne donnant aucune réponse à leurs innombrables questions, à tel point que celles-ci s'étaient taries.

- Voilà. Comme neuve, murmura Esther tandis que les flammes ambrées dansant au bout de ses doigts s'éteignaient.

          Heureusement, le projectile de Kaizzar n'avait rien brisé ni transpercé d'important, ce qui aurait été plus long à soigner, et surtout plus douloureux à supporter pour Romulée. Elle n'avait même plus l'air de sentir la douleur, demeurant inerte tout le temps que durèrent les soins. Tête basse, elle fixait le sols ans le voir, acceptant machinalement un nouveau t-shirt que lui tendit la matriarche après s'être assurée qu'il ne restait ni égratignure, ni sang. La jeune fille enfila lentement le vêtement en grimaçant brièvement lorsqu'elle leva le bras, puis ne bougea plus.

          Esther ne savait quoi dire, ce qui était assez rare pour le noter. A son âge, elle avait eu de nombreuses occasions d'interroger et réconforter des enfants blessés de différentes façons, mais aujourd'hui était une première. Une première terrible dont elle aurait préféré se passer. Plus personne n'avait attaqué un Mearah depuis des générations, et certainement pas sur leurs propres terres. Elle ne savait même pas réellement ce qui s'était passé. Wulf, en larme, leur avait dit qu'il était s'était absenté quelques minutes, laissant son amie seule dans les jardins, et que c'est à ce moment-là qu'elle a disparu. Tout en repartant pour se rendre dans les bois, Yseult avait crié à sa grand-mère que le coupable n'était autre que l'ancien Maître de Romulée et Haut-Mage du Lancovit, Kaizzar.

          Elle-même n'avait jamais rencontré l'individu et ne savait rien de lui à part ce qu'Iskander et Hildegarde avaient pu lui dire, à savoir qu'il semblait tenir un peu trop à son apprentie. Toutefois, un tel pressentiment ne suffit pas à ficher quelqu'un de prédateur et criminel. De nombreux Maître sont réticents à se séparer, même temporairement, d'un apprenti talentueux, mais cela vient d'un désir de parfaire son enseignement et de le voir devenir un Sortcelier d'exception. A bien y réfléchir, Romulée ne leur avait rien dit à son sujet non plus. Elle avait toujours prétendu qu'il était un bon professeur et qu'elle avait apprécié ses enseignements. Découvrir une facette aussi horrible de cet homme qu'elle appréciait et respectait devait être la principale raison de son choc...

          Des coups frappés à la porte la firent sursauter.

- Esther ? Appela Iskander. J'ai cherché autant que possible, mais je n'ai pas retrouvé Kaizzar. Seulement un prototype de Porte.

- C'est-à-dire ?

- Un modèle réduit et portable, un mélange de magie et de technologie. Je l'ai ramené.

- Bien. Quelqu'un est-il allé prévenir les autorités ?

- Hildegarde est à Travia, elle s'occupe de tout.

- Parfait.

          Après quelques secondes de silence, Esther pensait le garçon partit mais sa voix s'éleva à nouveau, plus douce, incertaine :

- Comment va-t-elle ?

          La brunette n'avait même pas cillé.

- Elle est très secouée.

- Et Wulf ? Dois-je le ramener chez lui ? Il n'arrête pas de réclamer Romulée.

- Qu'il reste pour l'instant. Ah, et tu peux faire rentrer Tunra.

Romulée Potter : MearahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant