Dans une rue de Paris, 1h05.
Abbie bouscule les passants gênants, la tête en vrac, le sang frappant ses tympans à toute vitesse. Et si ça recommence ? Le psychologue de son enfance avait bien stipulé que chez l'Adulte, ce syndrome est particulièrement rare et inquiétant. Est-elle complètement folle ? Ou bien, est-ce une punition pour ... Non. Non, non, non. La négation ricoche dans son crâne, tandis qu'elle aspire l'air frais. Ce n'est qu'une coïncidence. Cette femme pouvait le toucher ! Elle non, elle n'a jamais pu l'atteindre. Il était comme un nuage invincible. Petite, elle avait tenté un contacte. Mais, à chaque tentative, il disparaissait une fraction de secondes en un nuage de poussières turquoise.
Il n'existe pas. Abbie a bu, beaucoup. L'alcool coule dans ses veines, remontant jusqu'à son système nerveux. Ce ne sont que des hallucinations, rien de plus. Pourtant, boire n'a jamais eu de réelles conséquences sur elle. La brune souffle avec difficulté, ses talons claquant sur l'asphalte. Une vague humaine lui barre alors le passage, l'aveuglant un court instant avant de s'étioler au loin dans un brouhaha sourd.
Choc.
Il est là, encore, planté devant elle. La fille tremble de tous ses membres, ouvrant la bouche et se tordant pour faire demi-tour. Les prunelles javellisées dans son dos, percutantes. C'est un cauchemar. Elle hallucine. Inspirer, expirer, rester droite. Les passants la jaugent, scrutant son air affolé, comme si cette fille titubante était frappée de folie. Peut-être bien, oui. Abbie peut presque entendre les pas de ses chaussures cirées dans son dos. Un écho sourd, vrillant et percutant toute son ossature à chaque foulée. Il faut presser le pas. Ne pas se retourner pour regarder en arrière, jamais. Mais c'est plus fort qu'elle, la jeune femme détourne le menton, avisant avec effroi cet être irréel dépassant la foule d'une bonne tête. Une chimère immense, bousculant sur son passage. Cette trouille rare qui l'habite l'empêche de faire face, de confronter ce fou furieux qui semble déterminé à la poursuivre. Sûrement un fou, un maniaque obsessionnel.
Il lui faut une explication rationnelle. Le fait qu'il lui ressemble, n'est qu'un hasard. Il y a des tas de bruns/roux de plus d'un mètre quatre-vingt dans le monde. Sa vision a changé, enfant, et la dernière fois qu'Abbie avait étudié les traits de sa chimère, il était à peine un homme. Celui qui la poursuit, comme une bête traquant sa proie, n'est clairement pas un gamin. La jeune femme trottine presque maintenant, sentant les vibrations de son portable dans son sac. Les lumières sont presque aveuglantes, les voitures, les murmures, les cris, les rires, les plaintes, tout se répercutent contre elle, ricochant seulement pour venir s'échouer autour de sa bulle d'angoisse. Ses oreilles sont sourdes, insensibles à ce qui l'entoure. La colère monte, et Abbie s'arrête net, se détournant pour voir ... Les gens. Toujours autant insensibles, occupés à échanger diverses conversations mouvementées. Il n'est plus là. Un soupir de soulagement lui échappe, et la jeune femme empoigne déjà les clefs rangées dans son petit sac, tournant le menton trop tardivement pour voir l'ombre la surplombant de toute sa hauteur. Les pieds d'Abbie freinent net, sa silhouette fine percutant brutalement la masse immense. La chemise et la cravate défaites lui arrachent un soupir anxieux, tandis que ses prunelles remontent lentement jusqu'à ses ... Presque jumelles. Iris polaires.
De près, il n'y a plus de doutes.
Il ressemble comme deux gouttes d'eau à Alaric, dix ans de plus marquant ses traits sévères.
La jeune femme recule abruptement, prête à lui envoyer son genou en pleines parties. Mais l'homme se contente d'un sourire au coin de ses commissures, deux traits fins pincés, lui conférant d'office une autorité naturelle. Aucun mot ne traverse ses lippes, si ce n'est un souffle brûlant s'échouant sur son front. Il n'a pas besoin de mots, ses prunelles d'un bleu limpide parlent d'elle-même. Lui offrant une promesse qu'elle ne parvient pas à saisir. La brune recule un peu plus, sourcils froncés, prête à lui hurler de lui foutre la paix. Mais, en un clignement de cils :
L'ombre a déjà filé.
Laissant une Abbie pantoise et troublée.
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ECHOS - La sentinelle pourpre. T.1 ( 1er jet )
Science FictionQu'est-ce qui peut changer votre vie ? Une relation ? Un espoir brisé ? Gagner au Loto ? Devenir votre propre patron ? Tout foutre en l'air et partir pour une autre vie sous un coup de Folie ? Ces choses en apparence dérisoires qui peuvent avoir une...