Quatrième temps. Terre.

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La petite menteuse.

Cette tour de granit, qui surplombe à peine le parc, est sans doute l'un des bâtiments les plus petits du quartier. Pourtant, coincée dans l'habitacle de son Impala, Abbie voit à peine l'extrémité du toit, en parallèle avec les barrières noircies et délicates agrémentées de feuilles de liège. Un contraste marquant entre les portes forgées et le teint particulièrement terne des briques rougies. La tête penchée, cette dernière semble en proie à une hésitation qui durcit les traits pourtant doux de sa bouille d'albâtre. D'ici, les rayons du soleil donnent à ses iris un teint de glace. Ses longs cils noircis apprêtant à son regard un attrait irréel. Moue tordue, elle mâchouille distraitement la paille de sa boisson gazeuse, frappée à l'effigie d'une autre firme bien connue. La jeune femme, du haut de ses maigres vingt-six ans scrute la porte d'entrée d'un air contrarié. Pourtant soigneusement planquée derrière les arbustes qui colonisent les barreaux, avachie et enfoncée dans le fauteuil en cuir usé de sa vieille voiture. Le colosse de métal est d'un noir luisant et rutilant, respirant la babiole de collection. Pour sûr, que ce petit bout de trombine brune dont seule deux prunelles dépassent, peut alerter quelques passagers. Mais aujourd'hui, Abbie se fout royalement de la discrétion. C'est son majeur haut perché qu'elle lui tend, à cette foutue circonspection. Elle a un problème, un très gros problème.

BAM.

Sans prévenir, sa main tremble et lâche le gobelet de carton encore humide et sertie de gouttelettes fraîches, tandis qu'elle étouffe un cri rageur. Sa silhouette fine soudain redressée, la jeune femme manque de peu d'abattre une droite bien sentie dans la face d'un grand brun à la touffe hirsute et au regard joviale.

«- William ?! qu'elle persifle aussitôt, stoppant net ses phalanges en pleine course. Bon sang, tu m'as foutu la frousse. T'es cinglé ou quoi ? S'insurge-t-elle, reposant rageusement le gobelet sur le tableau de bord. Tout en avisant les dégâts. La liqueur collante plein le jean.

- Eliott, Cardiaque ? Une première ! ironise son meilleur ami, se tordant du mieux qu'il peut, dans une tentative veine de trouver un minimum de confort sur ces sièges trop bas. Au lieu de t'acharner sur moi, tu peux pas plutôt changer de caisse ? Se plaint-il en extirpant un vieux journal de sous ses fesses pour le balancer à l'arrière.

Mais la dite Eliott est de nouveau en pleine contemplation des portes de l'hôpital.

- Qu'est-ce que tu fais ? insiste William, se penchant légèrement par-dessus son épaule pour essayer de voir dans sa direction. Ses filets cuivrés chatouillant ses narines.

Merde.

- Toi, qu'est-ce que tu fais ? ésquive-elle aussitôt, avisant un couple de petits vieux, motivés à atteindre les barrières du parc avant la tombée de la nuit. Allez mamie, allez papy, vous y êtes presque !

- Tu vois bien, je viens discuter avec ma préférée.

- J'ai pas le temps, tranche aussitôt la brune, comptant sur son ton vénéneux pour le faire dégager de là.

C'est sans compter sur cette tête de pioche aussi aisée à décoller qu'un vieux chewing-gum.

La vérité, c'est qu'Abbie ne sait pas ce qu'elle fait. Troublée, la jeune femme tente de faire le point sur les événements de la veille. L'alcool aidant, elle pense avoir totalement inventé cette histoire. Mais ... et si ... elle secoue sa bouille renfrognée, se détournant de l'hôpital pour fixer son ami. Qui lui, semble la jauger depuis le début.

- Alors, tu as trouvé un truc, hier ? questionne-t-il, se permettant de lui piquer son gobelet pour aspirer la liqueur trop sucrée. Sur le coup, Abbie sent son pouls s'accélérer. Avant de saisir qu'il fait référence au travail.

- Oh ... Hum, oui. Du ... ménage, lâche la jeune femme, détournant à nouveau ses azures pour fixer paresseusement l'hôpital. C'est la vérité. Elle a nettoyé.

- Encore ?! éxplose la voix du serveur dans son dos. Ab, le prends pas mal, ok ?

Silence. Son amie semble totalement absorbée par les briques rouges de l'édifice.

- ... Mais je pense que tes diplômes te permettent de faire mieux que ça. Je ne dis pas que c'est un sous-métier, juste que ... tu vois. T'as quand même fait un emprunt pour ça.

Pour toutes réponses, Abbie déglutit difficilement, haussant les épaules et se grattant l'arrière du crâne.

- C'est une période compliquée, ça progressera, assure-t-elle, faussement optimiste. Puis, sans lui laisser le temps de contester, la brune lui fait de nouveau face. Ecoute, j'ai un truc à régler, d'accord ? Je dois filer, alors décroche ton cul de ce siège, Croft ! »

Et de s'extirper de l'habitacle, l'obligeant à en faire de même.

Lorsqu'Abbie s'éloigne d'un pas rapide en direction des barrières, William lâche un soupire consterné. Parfois, il a la désagréable impression de ne pas vraiment connaître cette fille qui est entrée dans sa vie avec une telle ... Brutalité. Oui, brutalité ... C'est bien le mot.

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Un petit mot, je ne l'ai pas fait encore jusqu'ici. ( Il faut dire que j'ai été rapide à poster ce que j'ai gardé de côté très longtemps. ) Le chapitre pourrait être en vérité plus long, car il y a une bonne grosse suite. Mais j'ai décidé de couper en plein milieu par souci pratique ! J'espère sincèrement que tout cela vous intrigue et vous donne envie de lire mon récit. Si ce n'est pas le cas, merci de m'avoir suivie jusqu'ici tout de même ! N'hésitez pas à donner votre avis !

Je vous embrasse et merci à mes nouveaux abonnés et à ceux qui me suivaient déjà. ^^

ECHOS - La sentinelle pourpre. T.1 ( 1er jet ) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant