Chapitre six. Le clamp pourpre.

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C'est à ne rien y comprendre. Abbie, totalement, perdue, observe Klyde tout en arquant ses deux sourcils. Un léger pli formant un petit v sur son front, l'incompréhension marquant ses traits. Le jeune homme est tendu au possible, dents et points serrés sous la table. Dans cet univers parfaitement inconnu, la brune ne sait comment aborder la situation. La tension est certes palpable, mais uniquement partiellement contagieuse. C'est presque avec curiosité qu'elle avise le leader - du moins, c'est ce qu'il lui semble - du groupe. Encore des géants, à mieux y regarder, la plupart des êtres qu'elle croise depuis qu'elle est arrivée avoisinent généralement autour du mètre quatre-vingt, rarement moins, souvent plus. Les plus petits semblent tourner autour du mètre soixante-dix. Seule cette fameuse Xan'Dras avait été une exception à la règle. La petite rouquine étant pratiquement une tête inférieure à Abbie. Le groupe des cinq hommes avance d'un pas lent, le regard du chef étant plus stucateur, libéré de toute entrave et visible de tous. Difficile à dire pour les autres, leurs visages étant masqués par des casques luisants. Mais même sous les carcasses d'une matière inconnue aux yeux de la jeune femme, ils semblent les jauger. L'homme du milieu aux filets châtains et aux prunelles claires, presque grises, avance finalement d'un pas plus rapide jusqu'au comptoir.

Durant une fractions de secondes, se transformant en minutes, le temps s'est totalement figé. La musique reprend alors petit à petit, tout comme les murmures, qui se transforment à nouveau en exclamations. Pourtant, vraisemblablement, l'ambiance n'est plus la même.

- Psst. Eh, enfile-ça tout de suite. Marmonne Klyde à ses côtés, non sans lâcher les cinq hommes du regard par-dessus son épaule.

Sous la table, une main gantée lui tend un petit appareil replié. Septique, la Eliott s'en empare alors, non sans se prendre un coup de genou.

- Eh ! Qu'elle proteste, croisant ses prunelles orageuses.

- Sois plus discrète, Chuchote Klyde à voix si basse qu'elle seule peut l'entendre. Mets-ça sur ton nez tout de suite avant qu'ils arrivent. Ordonne-t-il ensuite d'un ton si pressant qu'Abbie obtempère, préférant ne pas prendre de risques.

Après tout, il semble les connaître. Lui.

Ce qu'elle avait pris pour une boite n'est en fait qu'une paire de lunettes. La jeune femme déplie le petit objet, qui soudain prend forme et sens entre ses doigts curieux et baladeurs. Ses empreintes se sèment partout sur l'objet rectangulaire, tandis qu'un petit cliquetis lui arrache un haussement de sourcils. Elles ressemblent à un fin rectangle long, munie de deux barrettes trop fine pour les soutenir, du moins l'impression que l'objet lui donne. Le verre, quant à lui, est d'une couleur mauve. Le tout d'une simplicité jurant avec le reste de son attirail, sans pourtant se désaccorder. Rapidement, Abbie enfile la paire sur son nez. Contrairement à ce qu'elle aurait pensé, sa vision et limpide, les couleurs de la pièce se teintant tout de même d'une teinte violâtre. Pourtant, elle ignore l'objet de sa requête, pourquoi enfiler une paire de lunettes à l'intérieur d'un bâtiment ? La jeune femme a le temps de faire le tour de toutes les solutions avant que la meilleure ne vienne d'elle-même. Le tout en une fraction de secondes à peine, tellement celle-ci est logique.

Ses yeux.

Incontestablement, les prunelles d'Abbie sont l'élément le plus marquant chez elle. Pourtant, les raisons sont floues. Pourquoi vouloir les cacher ? Klyde insinue qu'elle est déjà venue ici. A t-il peur qu'on la reconnaisse ? Elle est peut-être paumée, mais pas stupide, ces types-là ne semblent absolument pas au service d'Alaric. Des mercenaires ? Pourquoi employer de tels moyens rien que pour elle ? Sans s'en rendre compte, son pied gauche maltraite le sol depuis plusieurs minutes. Frappant frénétiquement ce dernier, à l'image de sa nervosité. La grosse patte de Klydevient de planter sur sa cuisse, tandis qu'il lui intime silence et discrétion d'un regard pressan. Est-il seulement en train de réaliser qu'elle est soudainement plongée dans un contexte absolument surréaliste, sans rien savoir, sans même pouvoir anticiper le moindre mouvement ? Abbie est handicapée par son ignorance, et ce simple fait la rend dingue. Comment Edgard a t-il seulement pu lui cacher un aussi gros paquet ? Une vie sur une autre planète ? Tout ça est insensé.

ECHOS - La sentinelle pourpre. T.1 ( 1er jet ) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant