Journal de William Maycroft

136 20 10
                                    


Première rencontre.


La première fois que j'ai croisé Abby, c'était au lycée. Nous avions seulement seize et dix-sept ans. Déjà, elle abordait ses drôles de cheveux auburn, et ses prunelles bleues d'où je pouvais voir quelques éclats mauves. Son regard a toujours été captivant, surréaliste. Mais elle, elle débordait de force et de fragilité à la fois. Pas très causante, toujours la mine revêche ... J'ai même cru l'entendre grogner une fois, lorsqu'un élève sportif avait tenté une approche directe. L'opération Abbie s'était révélée être un véritable fiasco. Elle l'avait rabroué d'une manière si déterminée, qu'il avait pris la mouche. Je crois qu'il a cessé de lui courir après uniquement après ce jour.


Cette fois où j'ai parlé à Abbie pour la première fois de ma vie. Enfin, parler, c'est un bien grand mot. Voyez-vous, j'ai toujours eu une préférence pour les hommes. Mais ça, on évite de le dire, à dix-sept ans, et au lycée. Surtout au lycée. Jean-claude Martin donc, ce garçon qui courrait sans cesse après Eliott, était communément ce qu'on appelle : Une brute épaisse, doté du QI d'une huître avariée. Le stéréotype même qu'on vous verse dans les films. La méthode à l'Américaine. Si on excepte qu'il ne courrait pas après une pom pom girl écervelée. Il avait 'tout pour plaire'. Gosse de riche, mèches blondes étincelantes, regards et postures pleines d'arrogance. Il ne m'a jamais plu. Je crois que c'était réciproque. Il a su pour moi, et comme on peut facilement le deviner avec un cas pareil, j'ai eu le droit à une attention toute particulière.


Je crois bien qu'Abbie ne devait vraiment pas être d'accord avec lui. Parce que, ce jour-là, elle m'a défendu. Vous pensiez avoir déjà vu des trucs incroyables ? Imaginez maintenant une petite nana d'un petit mètre soixante-dix, fonçant poings en avant droit vers un grand costaud d'un mètre quatre-vingt-cinq. Maintenant, si je vous dis qu'elle a gagné l'affaire ? Vous me croyez ? Je sais, c'est assez difficile à imaginer. Cette ado svelte a esquivé la baffe, et sûrement trop surpris de se faire attaquer par une fille, Martin s'est laissé avoir comme un bleu.


Il a eu un coquard pendant deux semaines. L'affaire a fait le tour, et sa popularité s'est cassée la gueule.


Depuis ce jour, tout le monde m'a foutu la paix. Et Abbie s'est approché de moi, telle une petite bête curieuse. Je crois bien que c'est pour ça, qu'on me lâchait un peu. Parfois, après l'affaire Martin, je la voyais revenir couverte de bleus et d'ecchymoses. Mais quand je lui demandais, inquiet, ce qui s'était passé : Elle haussait les épaules, me souriait et me racontait une blague dont elle seule avait le secret. C'est plus tard seulement que j'ai appris qu'elle avait un grand-père ex-militaire complètement parano, qui lui avait enseigné l'art de se défendre même en pesant seulement cinquante-cinq kilos tout mouillé. A bien y regarder, elle a toujours été toute fine, et toute en muscles discrets. Et cette nature farouche et sauvage, masquant un grand cœur et une sensibilité qu'elle prenait toujours soin de bien masquer.


Cette nana a toujours été adorablement bizarre.

ECHOS - La sentinelle pourpre. T.1 ( 1er jet ) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant